Portrait des nouveaux membres du Conseil d'Administration - Saison 3

Pour la troisième année consécutive, les nouveaux membres du CA se prêtent au jeu des portraits. Découvrez qui sont ceux qui sont venus renforcer les rangs de l'ATAA en 2025 !

Quatrième portrait, Catherine Viot, membre varoise, discrète et toujours pertinente du CA de l'ATAA version 2025.

Le CA fait de son mieux pour être partout, tout en étant humains. J’en soutiens toutes les idées, toutes les démarches entreprises et je continuerai à le faire, parce que nous sommes tous animés par le même but.
  • Quel a été le déclic qui t’a donné envie de te lancer dans la traduction ou l’adaptation audiovisuelle ?

Alors moi, j’ai été décliquée à la naissance ^^. À 4 ans, je m’intéressais déjà aux rouages du doublage. Quand je regardais Columbo avec ma mère, j’avais bien compris que la voix que j’entendais n’était pas celle de Peter Falk, mais en VO, je croyais qu’il remuait les lèvres pour faire semblant de parler ^^. Ado, je m’amusais à mettre les DVD de la maison en anglais ou en espagnol, avec un sous-titrage français, ou encore en VF avec un sous-titrage anglais ou espagnol… Bref je faisais un tas de combinaisons possibles pour analyser et essayer de comprendre les choix de l’adaptateur, tout en apprenant du vocabulaire. J’écoutais les chansons des dessins animés de mon enfance en VO, jusqu’à les apprendre par cœur, rien que pour acquérir du vocabulaire et vérifier la traduction au passage (je passais pour une folle parce que j’écoutais I just can’t wait to be king dans la voiture en allant travailler ^^). Je me suis inscrite dans un Master de traduction et pour préparer mes examens, j’ai récupéré des vidéos que je m’amusais à sous-titrer et je les mettais sur YouTube (en précisant bien que seule la traduction m’appartenait). Un jour, l’une de ces vidéos a atterri sur le bureau d’une chargée de prod qui m’a proposé mon premier doublage. J’ai donc décidé de reprendre des études, spécialisées en adaptation audiovisuelle cette fois, pour éviter le syndrome de l’imposteur et me sentir légitime à proposer des services vraiment maîtrisés à de potentiels clients.

  • Quel projet a constitué pour toi le plus grand défi technique, artistique ou humain ?

En 2023, alors que je sortais tout juste de l’adaptation du documentaire Tchernobyl : la véritable histoire, qui m’avait déjà touchée, on m’a proposé d’adapter Return to Raqqa, un documentaire sur la guerre en Syrie. Sur le coup, je n’étais pas hyper emballée par le sujet, mais je lui ai consacré la même attention qu’à tous mes autres « bébés ». Et en avançant dans l’écriture, j’ai eu l’impression de me prendre une grande claque tant le ton et les images étaient forts. Les images d’archives étaient remplacées par des dessins lorsqu’elles étaient trop dures à voir, les témoignages des survivants et des proches des victimes insoutenables à entendre. J’ai passé de longues heures de travail dessus car je voulais être certaine que chacun des mots que j’écrivais était parfaitement choisi et ne trahirait pas le message à transmettre. À la fin de l’adaptation, j’étais en larmes, jamais ça ne m’était arrivé.

Le documentaire était à destination d’un festival. J’ai assisté à la remise des prix qui était retransmise en direct sur YouTube. J’espérais qu’il aurait au moins un prix…Il en a eu trois, j’ai passé la moitié de la cérémonie à pleurer de joie. Au-delà des images terribles, le public avait compris le message, ma mission était accomplie. À ce jour, ce documentaire reste ma plus grande fierté. Comme quoi…

  • Y a-t-il une scène, une réplique ou un dialogue que tu as traduit/adapté et dont tu te souviendras toujours ?

Je me souviens avoir rencontré des sueurs froides sur le film Payback, que j’ai adapté en 2023. Pour une séquence qui dure 3 secondes à l’écran, je me suis pris la tête pendant presque toute une soirée. Il s’agissait de retrouvailles entre le héros et un copain qu’il avait rencontré en prison. En VO, ils se saluaient grâce à un « Fucking » placé entre leurs noms et leurs prénoms. On comprenait aisément que c’était un délire entre eux, mais l’adaptation de ce terme en français tombait un peu à plat pour moi. Mais même si je n’avais aucune limitation particulière pour les gros mots dans ce film, aucune des solutions que je trouvais ne me satisfaisait. Alors j’ai choisi de m’éloigner complètement de la VO pour faire preuve d’observation sans prise de tête. En prenant un peu de distance, j’ai remarqué que les deux personnages avaient des initiales doubles, ça a été ma bouée de secours. C’est ainsi que « Mike fucking Markovich » est devenu « Mike, mon double M », et pareil pour le copain du héros, Randy Rhodes. J’étais un peu frustrée de ne pas avoir pu trouver mieux, mais ça fait partie du métier. Quand ça veut pas, ça veut pas.

En revanche, je me souviens avoir pris un réel plaisir à écrire les trois épisodes de la série documentaire Les secrets des manchots au début de l’année, parce que je me retrouvais complètement dans l’humour et le ton donnés dans les interventions de la narratrice, Blake Lively. L’écriture s’est donc faite très naturellement, tout était fluide. Et cerise sur le gâteau, les retours ont été unanimement positifs. C’est génial quand ça se passe comme ça.

  • Comment as-tu su que c’était le bon moment pour rejoindre le CA ?

Je ne me suis pas levée un matin en me disant « tiens, si je postulais au CA de l’ATAA ? ». Non, cette idée me trottait dans la tête depuis un moment, j’étais curieuse de connaître les coulisses. Je voulais en apprendre davantage sur le métier, sur des choses que je ne voyais pas forcément en bossant dans mon petit coin varois. Mais je n’osais pas me lancer, peur de mal faire, de ne pas savoir que faire. C’est comme ça que j’ai envoyé ma candidature le 31 décembre 2024, vers 18h ^^ en pensant que ça devait être trop tard. Un peu sur un coup de tête. Ça et l’histoire du foie gras de Yann.

J’ai passé une super année au milieu d’un CA extraordinaire (c’est le mot) et très impliqué dans toutes les problématiques du métier. Ils sont sympas, c’est vrai, ils ne mordent pas même s’ils peuvent montrer les dents parfois face aux indélicats. Mais tous sont animés par ce même amour du métier, de ce métier que tant de détracteurs voudraient voir disparaître. Chaque décision prise au sein du CA l’a été dans le dialogue, le respect et jamais imposée. J’ai été honorée d’en faire partie et d’avoir eu mon mot à dire. Mais j’ai eu la chance d’avoir eu une année très riche professionnellement, et je n’ai pas pu lui consacrer autant de temps que je l’aurais voulu. C’est la raison pour laquelle j’ai décidé de me retirer du CA, mais je vous encourage évidemment tous et toutes à vous engager à leurs côtés. Vous y vivrez une expérience fantastique, avec le sentiment de participer à faire avancer les choses. Vous êtes là à chaque petite ou grande victoire, pour le meilleur et pour le pire. Et en plus, aucun de ses membres n’est cannibale, juré ! Alors, si vous vous sentez prêts, que vous voulez défendre le métier, proposer de nouvelles choses, lancez-vous ! C’est l’union qui fait la force !

  • Quelle expérience ou expertise personnelle aimerais-tu mettre davantage au service de l’ATAA dans les mois à venir ?

Ma réponse va sûrement être un peu bateau, mais le fait de quitter le CA ne veut pas dire que je compte cesser d’intervenir dans les débats sur le Discord quand je le juge utile et surtout, intelligent. J’en lis toujours attentivement chaque discussion. À tout moment, je peux tomber sur une demande d’aide d’un confrère qui se trouve être dans une situation que j’ai déjà expérimentée moi-même. Je lui apporterai toujours mes lumières, parce que le fait d’avoir parfois galéré à trouver une solution ne veut pas dire que je dois accepter de laisser les autres dans la panade. L’ATAA, c’est une grande famille ! Contrairement à certains confrères, je n’ai pas de phobie administrative avérée, grâce à ma mère qui m’a baignée dedans depuis petite. Les bras de fer avec l’Urssaf ne me posent donc pas de problèmes ^^. Je continuerai à éduquer le public, à rappeler sur les réseaux que l’adaptateur.ice a un droit moral sur ses œuvres et que ce droit doit être respecté quand les comédiens reviennent doubler leurs plus grands succès, succès qui existe en partie grâce à l’adaptateur.ice qui n’est jamais cité(e) dans les vidéos !

  • Qu’as-tu découvert sur l’association ou sur le métier en intégrant le CA, que tu ne soupçonnais pas avant ?

Le boulot extraordinaire qui est abattu en coulisses ! En étant « membre lambda » de l’ATAA, je ne voyais jusque-là que la partie émergée de l’iceberg. Je ne savais pas trop à quoi m’attendre en postulant, mais en étant au CA, j’ai vraiment découvert le nombre hallucinant de chantiers qui étaient en cours. Le CA fait de son mieux pour être partout, tout en étant humains. J’en soutiens toutes les idées, toutes les démarches entreprises et je continuerai à le faire, parce que nous sommes tous animés par le même but.

  • Quel changement récent dans le secteur te semble le plus déterminant pour notre avenir ?

Je ne vais pas être plus originale que mes confrères et consoeurs, de l’ATAA ou ailleurs : c’est bien sûr l’IA, même si elle n’est pas née hier. Tous les jours, je lis et entends de tout à ce sujet, il y a ceux qui disent que de toute façon, l’IA va tellement vite qu’elle nous remplacera tous demain. Il y a ceux qui ont décidé de lui accorder leur confiance entière, parce que sur le papier elle « coûte » moins cher, ne tombe pas malade, ni enceinte, elle ne fera jamais grève… Il y a ceux qui ont déjà choisi d’anticiper en se reconvertissant, malgré leur amour du métier. Et ceux qui ont choisi de résister jusqu’au bout, dont je fais partie.

L’IA, oui, ça peut être un bon outil, mais c’est comme tout : il faut savoir s’en servir sinon ça devient dangereux si on s’en remet complètement à lui. L’IA est incapable de penser par elle-même, elle ne crée rien, elle applique des statistiques, et ce depuis qu’elle existe. Et elle aura toujours besoin d’un humain décisionnaire. Ceux qui n’ont pas compris ça n’ont alors rien compris.

Donc à ceux qui me disent que je vais être remplacée, que ça ne sert à rien de m’acharner, que ce métier est mort (choisissez l’option que vous préférez, elles se ressemblent toutes), je réponds que je suis toujours là, bien accrochée à mon siège et que le quitter n’est pas d’actualité. Pourquoi la traduction devrait être dans le top 5 des métiers à éradiquer, plus que n’importe quel autre métier encore existant qui a simplement évolué grâce au progrès ?

  • Quelle est la meilleure leçon que tu aies apprise depuis tes débuts, et que tu aimerais transmettre aux nouvelles et nouveaux arrivant·es ?

J’en avais parlé dans un article à destination du blog de l’ATAA, à partir de mes propres débuts et des leçons que j’en ai tirées. Quand j’ai commencé en 2018, j’étais seule, je ne connaissais pas l’ATAA. Sinon, ils m’auraient sûrement tirée dessus à boulets rouges pour avoir accepté ce que j’ai accepté à l’époque. Notamment des tarifs à faire pleurer de désespoir, qui m’ont placée en position de « scieuse de branche » alors que ce n’était pas du tout mon intention. Donc il ne faut pas dire « oui » à tout, même quand on débute et qu’on a peur de se fermer une porte à peine ouverte. Rapprochez-vous rapidement de l’ATAA pour vérifier au moins ce qui est acceptable ou non, tant au niveau des conditions que des tarifs. C’est elle qui m’a sauvée, et montré la voie à suivre. Essayez de diversifier vos clients au lieu de ne bosser que pour un seul (plus facile à dire qu’à faire, je sais), parce qu’un seul retard de paiement de sa part vous mettrait immédiatement dans une situation financière difficile. Dans la même lignée, (et c’est celle qui se plie en 4 pour ses clients qui dit ça) même pour un client déjà bien connu, toujours confirmer un tarif avant de commencer le boulot. Ça peut paraître élémentaire, et pourtant…

Parce que cette année, ce n'est pas une, mais deux secrétaires adjointes toute nouvellement recrutées que compte l'ATAA, place au portrait d'Émeline Perego !

On peut avoir peur (...) que l'engagement prenne trop de temps. (...) Mais chacun·e fait ce qu'ielle peut et il règne une grande bienveillance entre nous au sein du CA.
  • Quel a été le déclic qui t’a donné envie de te lancer dans la traduction ou l’adaptation audiovisuelle ?

Au lycée, j'étais cinéphile/sériephile et bonne en langues, alors quand j'ai su que ce métier existait, je me suis dit, c'est pour moi !

  • Quel projet a constitué pour toi le plus grand défi technique, artistique ou humain ?

Techniquement et artistiquement, il y a en a plusieurs : Suits, très bavarde, très fantaisiste avec les règles de droit donc souvent très casse-tête, puis Starstruck, Girls5eva et All's Fair, géniales à écrire mais tellement difficiles ! Humainement, c'est quand je bosse avec des gens qui ne remplissent jamais les bibles ! #grrr

  • Y a-t-il une scène, une réplique ou un dialogue que tu as traduit/adapté et dont tu te souviendras toujours ?

Comment choisir... A mes débuts, le "I will Bury us in gold" d'Attila dans un docu-fiction sur les grands conquérants, qui m'a fait comprendre qu'il y a toujours une solution aux problèmes de labiales, puis dernièrement la scène entière de Loup-Garou qui vire au drame dans un épisode de Starstruck (je suis très fan du jeu) et la réplique la plus méchante que j'aie jamais écrite dans All's Fair : "Votre chère Allura-dorable ne peut pas concevoir de bébé à elle dans la crevasse sombre et poussiéreuse qu'elle a pour utérus. "

Il y a aussi eu ce débat sur le mot "cranberries" avec le responsable doublage d'une chaîne télé sur une série se déroulant pendant les années 80. Ma collègue, qui adaptait l'épisode, et moi, présente à la vérif, avons argumenté de toutes nos forces pour mettre "canneberges", connu des nombreux épisodes de Thanksgiving de Friends, et pas "cranberries", qu'on trouvait anachronique dans cette série-là. Malheureusement, on a perdu !

  • Comment as-tu su que c’était le bon moment pour rejoindre le CA ?

C'était la prochaine étape naturelle après avoir fait parti du comité d'orga des prix séries doublage avec Juliette et du jury des mêmes prix. Ça me trottait dans la tête depuis un moment, il fallait que je me lance.

  • Quelle expérience ou expertise personnelle aimerais-tu mettre davantage au service de l’ATAA dans les mois à venir ?

Il ne faut pas avoir peur de se défendre contre un client quand il y a un désaccord, ni de réclamer ce qui nous paraît juste, par exemple un meilleur tarif.

  • Qu’as-tu découvert sur l’association ou sur le métier en intégrant le CA, que tu ne soupçonnais pas avant ?

L'Ataa est partout ! Auprès des clients, des institutions, des autres associations. J'ai beaucoup appris sur le statut d'auteur, et je suis encore plus déterminée à le défendre aujourd'hui.

D'un point de vue pratique, on peut avoir peur, au départ, que l'engagement prenne trop de temps. Oui, ça prend du temps, mais chacun·e fait ce qu'ielle peut et il règne une grande bienveillance entre nous au sein du CA. Surtout, quand on cogite toustes ensemble, c'est hyper motivant !

  • Quel changement récent dans le secteur te semble le plus déterminant pour notre avenir ?

L'arrivée de l'intelligence artificielle me déprime, pour ce qu'elle implique pour nos métiers, mais aussi notre société, et l'environnement.

  • Quelle est la meilleure leçon que tu aies apprise depuis tes débuts, et que tu aimerais transmettre aux nouvelles et nouveaux arrivant·es ?

La première, on n'est jamais infaillible, ça arrive à tout le monde de se planter sur un projet. On ravale son orgueil, on s'en remet, et surtout, on apprend. Entre deux étapes, on peut aussi chialer un bon coup. La seconde, quand on se retrouve devant une colle, ne pas hésiter à faire appel aux collègues : "je comprends rien, qu'est-ce que le personnage veut dire???".

Deuxième portrait 2025, celui du chat du CA qui en est sorti pour mieux y re-rentrer, Jean-François Cornu !

Crédit photo : Estelle Renard
Nous vivons actuellement [...] un basculement dont tout le monde ne semble pas encore mesurer la gravité. Pour ma part, et bien que je ne sois évidemment pas au début de ma carrière, je ne peux pas rester les bras ballants face à ce bouleversement.
  • Quel a été le déclic qui t'a donné envie de te lancer dans la traduction ou l'adaptation audiovisuelle ?

Je ne voulais pas devenir prof ! Au tournant des années 1970-1980, lorsque j’étais étudiant en anglais, faire des études de langues, c’était forcément pour devenir enseignant dans le secondaire, du moins selon les universitaires de l’époque. Cette perspective ne me séduisait pas du tout. Mon goût de la langue anglaise et des cultures dont elle est l’expression se doublait d’une passion pour le cinéma. Quand j’ai découvert l’existence, alors toute récente, d’un DESS en traduction cinématographique à Lille – devenu le Master aujourd’hui bien connu –, j’ai trouvé le moyen d’allier mes deux passions, dans l’espoir que je pourrai en faire mon métier.

  • Quel projet a constitué pour toi le plus grand défi technique, artistique ou humain ?

Le sous-titrage de King Lear, de Jean-Luc Godard. Présenté en 1987 au Festival de Cannes, sans sous-titres à la demande du cinéaste, ce film n’est sorti en salles en France qu’en 2002. Il s’agit d’une réflexion très godardienne sur l’idée d’adapter au cinéma Le Roi Lear de Shakespeare. Différentes scènes écrites par Godard se succèdent, entrecoupées d’extraits de la pièce joués, ou plutôt dits, par plusieurs comédiens.

Je disposais d’une transcription qui ne distinguait pas les dialogues de Godard de ceux de la pièce. Bien sûr, le style shakespearien était facilement reconnaissable, mais la liste des dialogues ne donnait aucune précision sur l’acte et la scène où se trouvait telle ou telle réplique, que j’ai dû dénicher en lisant attentivement une édition bilingue anglais-français de la pièce. Car nous étions au début des années 2000 et tout Shakespeare n’était pas encore sur Internet.

En outre, dans l’une des dernières scènes du film, un texte est dit, dont le style n’était manifestement dû ni à Godard ni au grand Will. Littéraire, mais beaucoup plus contemporain. Évidemment, la transcription n’offrait aucun indice non plus. Grâce à une portion de phrase, Internet est tout de même venu à ma rescousse, non pas en m’indiquant d’emblée d’où provenait ce passage, mais par la présence de ce fragment dans un article universitaire à propos de… Virginia Woolf : il s’agissait d’un passage de la fin des Vagues. Cela ne s’invente pas !

Toutefois, un indice à l’image aurait pu me mener plus vite sur la bonne piste. Dans un plan large, on aperçoit une édition de poche du livre en anglais, posée sur un rivage (comme il se doit) et dont le titre est bien lisible au premier plan. Seulement, sur mon petit écran de télé de l’époque et avec une VHS de qualité moyenne, cette couverture était parfaitement illisible. Ce n’est que plus tard, en projection de presse sur grand écran, que j’ai repéré ce détail qui aurait pu me faire gagner un peu de temps.

  • Y a-t-il une scène, une réplique ou un dialogue que tu as traduit/adapté et dont tu te souviendras toujours ?

Tous les dialogues de L’Ombre d’un mensonge, de Bouli Lanners, sorti en France en 2022. Ce film se déroule sur l’île écossaise de Lewis et le cinéaste-comédien belge l’a tourné presque entièrement en anglais, à l’exception de deux scènes en français, que mon ami Ian Burley a sous-titrées en anglais pour la version originale, dont le titre est Nobody Has to Know.

Comme dans ses films en français, Bouli Lanners a écrit, pour L’Ombre d’un mensonge, des répliques très épurées, parfois déconcertantes. Ces dialogues ne disent souvent que le strict minimum et c’est au spectateur de comprendre peu à peu les situations et les rapports entre les personnages.

Le même souci d’épure s’est imposé à l’écriture des sous-titres français, souci accentué par le contexte singulier dans lequel ce travail a eu lieu, au fil de l’année 2020. Les longues interruptions dues aux confinements alors en vigueur en Belgique (pays de production du film) et en France ont amené le cinéaste à retravailler plusieurs fois son montage et à épurer encore ses dialogues, en supprimant ici et là quelques répliques, mais aussi en ajoutant des scènes qui ne figuraient pas dans le premier montage dont j’avais disposé. C’est au terme de quatre versions différentes que j’ai pu faire la simulation à Bruxelles fin 2020, avec la participation de Bouli Lanners. Un bonheur !

  • Comment as-tu su que c'était le bon moment pour rejoindre le CA ?

J’ai été membre du CA de 2018 à 2020, puis à nouveau en 2025, avec l’intention de poursuivre en 2026. Auparavant, j’avais participé à la belle aventure de L’Écran traduit, avec Anne-Lise Weidmann, Samuel Bréan et Till Zimmermann. Il me semblait que le temps était venu de contribuer sous une nouvelle forme à la vie de l’association et à la défense de nos métiers. Je me suis engagé notamment pour faire entendre la voix de l’ATAA auprès des institutions, à la suite du rapport « L’auteur et l’acte de création » de Bruno Racine, qui, entre autres, entendait créer un nouvel organisme de sécurité sociale pour les artistes-auteurs. Sur ce point, on a aujourd’hui l’impression d’avoir piétiné depuis trois ans. Mais il en faut plus pour me dissuader de l’engagement associatif !

  • Quelle expérience ou expertise personnelle aimerais-tu mettre davantage au service de l'ATAA dans les mois à venir ?

Celles que je mets déjà depuis plusieurs années au service de l’association, notamment au sein de l’AVTE, notre fédération européenne des associations de traducteurs de l’audiovisuel. L’ouverture sur l’international me paraît indispensable si nous voulons défendre et promouvoir efficacement nos métiers car beaucoup de choses se jouent aujourd’hui à l’échelle européenne et mondiale. Notamment cette satanée IA, contre laquelle il faut combattre sans relâche, en traduction comme dans bien d’autres domaines. Le recul que m’offrent quelques décennies d’activité me permet de comprendre qu’il ne s’agit pas simplement d’une nouvelle étape technique, comme l’arrivée de l’informatisation, de la vidéo, puis du numérique dans nos professions. C’est une destruction de nos savoir-faire et de notre créativité qu’il faut dénoncer, non seulement pour préserver notre gagne-pain, mais pour le respect des œuvres – quelle que soit leur qualité artistique – que nous traduisons et pour le respect du public.

  • Qu'as-tu découvert sur l'association ou sur le métier en intégrant le CA, que tu ne soupçonnais pas avant ?

La grande diversité de ce qu’on appelle aujourd’hui la traduction audiovisuelle, qui comprend la localisation de jeux vidéo ou l’audiodescription, par exemple. Mais aussi, malheureusement, le grand cloisonnement entre les métiers en fonction du débouché des œuvres traduites, des conditions de travail et de rémunération. Pourtant, nous devrions toutes et tous être logés à la même enseigne, que l’on ait pour client un distributeur ou un prestataire technique.

  • Quel changement récent dans le secteur te semble le plus déterminant pour notre avenir ?

La question de l’IA est LE sujet d’actualité, dans tous les domaines de traduction d’ailleurs. Nous vivons actuellement, non pas une période de transition comme nos métiers en ont connu par le passé, mais un basculement dont tout le monde ne semble pas encore mesurer la gravité. Pour ma part, et bien que je ne sois évidemment pas au début de ma carrière, je ne peux pas rester les bras ballants face à ce bouleversement.

  • Quelle est la meilleure leçon que tu aies apprise depuis tes débuts, et que tu aimerais transmettre aux nouvelles et nouveaux arrivant·es ?

Solidarité et joie du travail collectif.

Commençons avec Julie Verdalle, celle qui n'a pas eu peur de sauter dans le grand bain en se proposant de devenir secrétaire adjointe dès son premier mandat au sein du CA.

Quand tout semble partir à vau-l’eau, c’est réconfortant de se dire qu’au moins, on ne reste pas sans rien faire.
  • Quel a été le déclic qui t’a donné envie de te lancer dans la traduction ou l’adaptation audiovisuelle ?

J’ai toujours aimé jouer avec les mots. Quand j’avais 10-11 ans, frustrée de ne pas comprendre mes chansons anglophones préférées, j’ai entrepris de les traduire munie seulement d’un dictionnaire bilingue et des fiches de paroles qu’on trouvait dans Star Club (instant nostalgie). Le résultat au mot à mot ne voulait pas dire grand-chose, mais j’ai adoré l’exercice. La preuve, 20 ans plus tard, je continue ! (à traduire, pas à faire du mot à mot…) Et mon esprit joueur apprécie les contraintes liées à l’audiovisuel : il n’y a rien de plus satisfaisant que de trouver LE bon mot qui rentre dans le temps imparti.

  • Quel projet a constitué pour toi le plus grand défi technique, artistique ou humain ?

À ce jour, je reste traumatisée par une émission sur la pêche à la carpe. Un intervenant qui explique d’un ton monocorde pendant 40 minutes comment il fabrique ses propres bouillettes (je vous laisse googler), des termes extrêmement techniques, un script bourré de fautes… J’ai cru ne jamais m’en sortir, et ce, malgré de longues heures passées sur d’obscurs forums de carpistes. Un cauchemar !

  • Y a-t-il une scène, une réplique ou un dialogue que tu as traduit/adapté et dont tu te souviendras toujours ?

Aïe aïe aïe, j’aurais dû prendre des notes au cours des 10 dernières années ! Mais en me creusant un peu la tête, une scène me revient. Dans une émission de divertissement du type The Bachelor, le présentateur demande à un jeune homme quelle loi il aimerait faire passer aux États-Unis. Ce dernier répond : I would ban all guns. The only guns that are allowed are these guns right here (en argot, guns désignent des bras musclés). Et évidemment, il dit ça en roulant ostensiblement des mécaniques. Je l’ai traduit par : « J'interdirais la peine de mort. Car ici, le seul bourreau des cœurs, c'est moi. » J’avoue que je suis assez contente de ma trouvaille !

  • Comment as-tu su que c’était le bon moment pour rejoindre le CA ?

Plus que jamais, je trouve que l’état du monde actuel donne envie de s’engager et de retrouver un sentiment de communauté. Cela faisait un moment que je me disais « Quand même, ils ont bien du courage à l’ATAA, avec tout ce qu’il y a à faire », mais sans vraiment pousser la réflexion plus loin. Alors, quand le CA édition 2024 a lancé un appel aux candidatures, je me suis dit que c’était l’occasion de me bouger les fess… De m’investir et d’apporter ma petite pierre à l’édifice. Quand tout semble partir à vau-l’eau, c’est réconfortant de se dire qu’au moins, on ne reste pas sans rien faire.

  • Quelle expérience ou expertise personnelle aimerais-tu mettre davantage au service de l’ATAA dans les mois à venir ?

Je compte garder mon rôle de secrétaire adjointe et aider à ce que les rouages de la machine tournent sans encombre. La logistique et l’organisation sont mes domaines de prédilection, donc j’essaie de m’atteler aux chantiers où cela s’avère le plus utile. Vu que je fais partie du comité du Prix Jeux Vidéo, qui se tiendra pour la première fois au printemps 2026, j’imagine que j’aurai de quoi faire !

  • Qu’as-tu découvert sur l’association ou sur le métier en intégrant le CA, que tu ne soupçonnais pas avant ?

Quand on est simplement adhérent·e, on ne se rend pas compte de la quantité de travail abattue par le CA. Personnellement, j’ai été stupéfaite par le nombre de réunions, tables rondes, conférences, débats… auxquels participe l’ATAA, en France et ailleurs. Pour nos membres les plus actives, c’est un engagement extrêmement chronophage. Mais à côté de ça, personne ne vous met la pression. Toute aide est la bienvenue, et chacun·e participe autant qu’il ou elle le souhaite. Enfin, sur le plan personnel, je craignais de me sentir un peu isolée vu que j’habite à Toulouse. Et en fait, absolument pas : j’ai été accueillie à bras ouverts et j’ai fait des tas de belles rencontres. Bref, aucun regret !

  • Quel changement récent dans le secteur te semble le plus déterminant pour notre avenir ?

Hélas, comment répondre autre chose que l’IA ? Je ne vais pas répéter ce que nous savons déjà tous et toutes, mais il est important de rappeler aux gens qu’ils ont encore le choix. Non, vous n’êtes pas obligés de vous contenter d’adaptations médiocres ! Quand vous tombez sur une traduction truffée de fautes, illisible, calquée sur la VO, découpée n’importe comment… N’hésitez pas à vous plaindre haut et fort et à faire remonter l’information. Nous méritons de continuer notre métier dans de bonnes conditions, et vos œuvres préférées méritent des adaptations qui leur rendent justice. Ne baissons pas les bras !

  • Quelle est la meilleure leçon que tu aies apprise depuis tes débuts, et que tu aimerais transmettre aux nouvelles et nouveaux arrivant·es ?

Réfléchissez bien avant de contacter l’URSSAF : pour chaque minute passée au téléphone avec eux, vous perdrez une année d’espérance de vie ! Bon, blague à part, je leur conseillerais de faire une séparation nette entre vie pro et vie perso. Ne travaillez pas (tous) les week-ends, ne consultez pas vos mails le soir, et gardez en tête que nous ne sommes pas médecins ou pompiers : rien n’est vraiment « urgent » dans notre métier, contrairement à ce que certains clients essaieront de vous faire croire un vendredi à 17 h.

Rencontre avec Hervé Rony, directeur général de la Scam - Partie 2

« Il n’y a pas lieu de discuter de droits d’auteur pour une œuvre générée à 100 % par une intelligence artificielle. Pour les œuvres hybrides, la situation devient plus complexe. Même s’il y a intervention humaine, est-elle suffisante pour justifier des droits d’auteur ? C’est toute la question. »

Lire la première partie de l'entretien

Crédit photo : Brett Walsh

L’encadrement de l’IA est-il déjà anticipé dans les contrats et les négociations que la Scam mène actuellement ?

Pour l’instant, il n’y a pas de clauses spécifiques dans les contrats généraux passés avec les diffuseurs. D’autant que ces derniers ne sont pas directement concernés par la question. Nos contrats leur permettent d’exploiter notre répertoire mais à charge pour nous de qualifier les droits redevables et de les répartir correctement. En revanche, nous observons une vigilance nouvelle de la part des producteurs qui ne veulent pas être trompés sur le travail des réalisateurs et des auteurs qui auraient indûment recours à l’intelligence artificielle. À l’inverse, il faut aussi éviter une pression excessive des producteurs qui inciteraient à un usage abusif de l’IA. C’est pourquoi nous négocions actuellement une clause spécifique sur l’IA qui sera, à l’avenir, intégrée à tous les contrats de production d’auteurs. Du côté de la fiction, la SACD a déjà mené des discussions avec les syndicats de producteurs afin de rédiger une clause-type sur l’utilisation de l’IA.

Récemment, des traducteurs de fiction ont déposé des œuvres traduites par IA pour lesquelles ils avaient réalisé un travail de post-édition. La Sacem les a, pour le moment, bloquées afin de mener une réflexion. Qu’en est-il à la Scam ?

Nous n’avons pas encore été confrontés à cette situation, mais nous comprenons ce blocage. Une seule certitude : il n’y a pas lieu de discuter de droits d’auteur pour une œuvre générée à 100 % par une intelligence artificielle, sans intervention humaine. En revanche, pour les œuvres hybrides, la situation devient plus complexe. Même s’il y a intervention humaine, est-elle suffisante pour justifier des droits d’auteur ? C’est toute la question. Être auteur signifie avoir créé une œuvre originale marquée par sa personnalité. Lorsqu’un texte est revu, corrigé ou réorganisé, cela suffit-il pour revendiquer un statut d’auteur ? Même si je ne pars pas du principe que ce travail n’aurait aucune valeur… C’est d’ailleurs toute l’ambiguïté de l’IA.

[Les auteurs] ont une relation ambivalente avec l’IA : ils savent qu’elle peut leur faire gagner du temps, mais ils ne veulent pas pour autant être dépouillés de leur rôle créatif.

Rencontre avec Hervé Rony, directeur général de la Scam - Partie 1

« Nous renégocions en permanence nos accords avec les diffuseurs. Au début, cela m’inquiétait beaucoup. Mais avec le recul, cette souplesse se révèle aussi à notre avantage […]. Aujourd’hui, si Disney produit très peu de documentaires, rien n’indique qu’ils n’en feront pas pléthore dans dix ans. »

Vous dites souvent que le nombre fait la force. En quoi la présence des traducteurs dans le répertoire audiovisuel aide les négociations avec les diffuseurs ?

Lors d’une négociation, nous représentons les réalisateurs et les auteurs de documentaires, mais également les traducteurs. Ce point se révèle fondamental, car ces derniers nous confèrent plus de poids. Par exemple, lors de nos premiers échanges avec Netflix, la réaction de la plateforme américaine a été de contester les demandes de la Scam, argumentant que notre organisation ne représentait que quelques documentaires français, quantité négligeable de leur catalogue. Ils ne nous prêtaient aucun crédit, jusqu’à ce qu’ils comprennent que nous représentions aussi plus de 1 000 traducteurs – potentiellement adaptateurs de leurs documentaires étrangers –, et que ces derniers s’avéraient aussi être des auteurs. Cette position nous renforce donc mutuellement. Comme lors de nos négociations avec National Geographic Channel qui est une des chaînes qui diffusent le plus de documentaires internationaux, ou encore avec Prime Video avec qui nous avons signé un accord cette année, après d’âpres négociations.

Notre plus grand levier est la menace de procès en contrefaçon.

Lenny Borger, translating to love more

By Nadia Meflah. Interview conducted in Paris, January 2020

Copyright, Nadia Melfah
“A film is like a novel: you have to translate it for each new generation” Lenny Borger

When Lenny Borger arrived in Paris in the mid-1970s, this young New Yorker from Brooklyn brought with him a love of the French language.

This language, so foreign to him, enchanted his ears when, as a young boy, he discovered, almost in real time, the songs of Jean Ferrat, Léo Ferré and Jacques Brel. The rhythm, like the poetry of the lyrics, would have a lasting effect on him.

It was this unique love that led him to leave the United States for France. And what does an American do in Paris when he also loves the movies? In addition to becoming a frequent moviegoer and visitor to the Cinémathèque française, Lenny became a film critic for Variety, the leading American entertainment newspaper, a position he held until the early 1990s. But translating French films really allowed his mastery and knowledge of the subtleties of the language of both Molière and Shakespeare to shine.

In 1980, Bertrand Tavernier asked him to subtitle his film Une semaine de vacances, starring Nathalie Baye and Gérard Lanvin. It was the start of a long career during which Lenny Borger would translate over a hundred French films into English, with a particular predilection for the cinema of the interwar period. Marcel Carné, Jean Renoir, Julien Duvivier, Henri-Georges Clouzot, Robert Bresson, Georges Franju, Luis Buñuel, but also Jean-Pierre Melville, Claude Chabrol, Jean-Luc Godard, Claude Sautet, Patrick Chéreau, among many others.

Welcoming us into his Parisian apartment next door to the Grand Rex, Lenny recalls his work with words and how it served French cinema.

At the start of 2020, the Cinémathèque française paid tribute to Jean-Luc Godard. You've worked with him and translated some of his films. Which ones?

In the 2000s, Criterion asked me to translate Jean-Luc Godard's classic period, the films of the 1960s. À bout de Souffle was a gem for any translator, as it's a film with an enormous number of puns, some of them very funny. In fact, I'd found a linguistic trick in English for the phrase: “T'es vraiment dégueulasse” / “You make me puke”. When I did the translation, I looked at what had been done before. It has to be said that not everything was well translated, it was much more succinct, we didn't really try to convey the flavor of the dialogue, it was still quite literal.

And then, how can we fail to mention one of the worst puns in his entire filmography, with his film Une femme est une femme (1961)? Anna Karina's last line gave me a hard time. Jean Claude Brialy and Anna Karina are in bed together, and he says to her: “Angela, you're infamous”, to which she replies: “Me? I'm not infamous, I'm a woman”. I found the equivalent in English: he says “Damn you, Angela!” She replies: “No, a dame me”.

When the film was to be re-released in America, I worked alone on it. It was at the Malakoff studio. I remember that Jean-Luc Godard's sister was present in the lab when I wrote that last sentence. I had asked her to come, as I was having translation problems. Much later, Anne-Marie Miéville, with whom I'd had the opportunity to work while working on his films, recommended that I work with him again on Éloge de l'amour.

My colleague Cynthia Schoch and I translated the film, which is a bit of an oddity. It went perfectly. He invited us to see the film at his home in Switzerland. I remember I was a bit grumpy. I didn't want to travel so far for a job I'd be doing in the Paris region anyway. Nevertheless, we took the train to Lausanne, and then a bus to Rolle. He made us feel very welcome and was very friendly, as was Anne-Marie Miéville. It was quite a funny experience. The day after the Cannes premiere in May 2001, he called to tell me how pleased he was with the subtitles. I think I should have stopped there, because after that it got a bit more complicated. With Notre musique, everything became a little more complex, with several languages to translate. But above all, he didn't want everything to be translated.

Lenny Borger, traduire pour aimer davantage

Par Nadia Meflah. Entretien réalisé à Paris, en janvier 2020, avec la collaboration de Glenn Myrent. Publié suite à la disparition de Lenny Borger, le 23 décembre 2024.

Copyright, Nadia Melfah
« Un film est comme un roman, il faut le traduire à chaque nouvelle génération » Lenny Borger

Lorsque Lenny Borger débarque à Paris au milieu des années 1970, ce jeune New-Yorkais de Brooklyn porte déjà en lui l’amour de la langue française.

Cette langue, si étrangère, enchante ses oreilles lorsque, jeune adolescent, il découvre, quasi en direct, les textes chantés de Jean Ferrat, Léo Ferré ou de Jacques Brel. Le rythme, comme la poésie des paroles, vont durablement s’inscrire en lui.

C’est cet amour, unique, qui l’amènera à quitter les États-Unis pour la France. Et que fait un Américain à Paris lorsqu’il aime aussi le cinéma ? Outre fréquenter la Cinémathèque française et les salles obscures, Lenny devient alors critique pour le journal américain de référence, Variety, poste qu’il occupera jusqu’au début des années 1990. Mais plus que l’activité journalistique, c’est véritablement dans la traduction des films français qu'il saura déployer toute sa maîtrise et connaissance des subtilités de la langue de Molière comme celle de Shakespeare.

En 1980, Bertrand Tavernier lui propose de faire le sous-titrage de son film Une semaine de vacances avec Nathalie Baye et Gérard Lanvin. C’est le début d’une longue carrière, au cours de laquelle Lenny Borger traduira en anglais plus d’une centaine de films français, avec une prédilection pour le cinéma de l’entre-deux-guerres. Marcel Carné, Jean Renoir, Julien Duvivier, Henri-Georges Clouzot, Robert Bresson, Georges Franju, Luis Buñuel, mais aussi Jean-Pierre Melville, Claude Chabrol, Jean-Luc Godard, Claude Sautet, Patrick Chéreau, parmi tant d’autres.

Nous recevant chez lui, dans son appartement parisien mitoyen du Grand Rex, Lenny égrène quelques souvenirs de son travail des mots au service du cinéma.

En ce début d’année 2020, la Cinémathèque française rend hommage à Jean-Luc Godard. Vous avez traduit certains de ses films et même travaillé avec lui. Pour quels films ?

Dans les années 2000, Criterion m’avait demandé de traduire la période classique de Jean-Luc Godard, les films des années 1960. À bout de Souffle était un bijou pour tout traducteur, c’est un film qui comporte énormément de jeux de mots, certains très marrants. J’avais d’ailleurs trouvé une astuce linguistique en anglais pour la phrase : « T’es vraiment dégueulasse » / « You make me puke ». Quand j’ai fait ce travail de traduction, j’avais regardé ce qui avait été fait avant. Il faut préciser que tout n’était pas vraiment bien traduit, c’était bien plus succinct, on ne cherchait pas vraiment à transmettre la saveur du dialogue, ça restait tout de même assez littéral.

Et puis, comment ne pas évoquer l’un des pires jeux de mots dans toute sa filmographie, avec son film Une femme est une femme (1961) ? La dernière réplique d’Anna Karina m’a donné beaucoup de mal. Jean Claude Brialy et Anna Karina sont ensemble au lit, il lui dit : « Angela, tu es infâme », elle lui répond : « Moi ? Je ne suis pas infâme, je suis une femme ». J’ai trouvé l’équivalent en anglais avec : il lui dit « Damn you, Angela ! » Elle réplique : « No, a dame me ».

J’étais seul à faire ce travail, à l’occasion de la ressortie du film en Amérique. C’était au studio Malakoff ; je me souviens que la sœur de Jean-Luc Godard était présente au labo lorsque j’ai fait cette dernière phrase, je lui avais demandé de venir, car j’avais des problèmes de traduction. Bien plus tard, Anne-Marie Miéville, avec qui j’ai eu l’occasion de travailler sur ses films, me recommande à nouveau pour travailler avec lui sur Éloge de l’amour.

Avec ma collègue Cynthia Schoch, nous avons traduit ce film, c’est un objet très curieux. Ça s’est passé parfaitement bien. Il nous avait invités à découvrir le film chez lui en Suisse. Je me souviens, j’étais un peu grincheux, je ne voulais pas me déplacer aussi loin pour un travail que je ferais de toute façon en région parisienne. On a tout de même pris le train jusqu’à Lausanne, et ensuite un bus pour Rolle. Il nous a vraiment bien reçus, il était très sympathique, comme Anne-Marie Miéville. C’était une expérience assez drôle. Le lendemain de la première à Cannes en mai 2001, il m’a appelé pour me dire combien il était content des sous-titres. J’aurais dû, je pense, arrêter là, car après ce fut un peu plus compliqué. Avec Notre musique, tout devenait un peu plus complexe, il y avait plusieurs langues à traduire. Mais surtout, il ne voulait pas que tout soit traduit.

Mais qui sont les petits nouveaux ?

En 2024, le Conseil d'Administration de l'ATAA s'est étoffé de cinq nouveaux membres. Qui sont-ils ? Quelles sont leurs motivations ? Vous voulez tout savoir sur eux ? Alors c'est parti !

Et le mot de la fin pour Clément Martin, traducteur de jeux vidéo !

L'ATAA est une structure qui a à cœur le bien-être de ses adhérents, et dans laquelle, si on y met le temps nécessaire, on peut, à sa mesure, faire évoluer les choses dans le bon sens. Et en plus rencontrer des gens super et boire des coups. Que demande le peuple ?
  • Depuis combien de temps travailles-tu dans le domaine de la traduction ou de l'adaptation audiovisuelle ?

Mon tout premier (et seul à ce jour) contrat en audiovisuel remonte à avril 2020 (pour m’occuper pendant le confinement, c’était super) : c’était de la voix-off pour un documentaire, je n’y connaissais rien et j’ai fait de mon mieux. J’ai été payé, j’imagine que ça veut dire que le client était content.

Sinon, je traduis à temps plein depuis septembre 2021, et je ne fais plus trop d’audiovisuel à part pour le jeu vidéo, qui est ma deuxième casquette principale (une image mentale toujours délicieuse, les casquettes multiples).

  • Quel aspect de ce métier te passionne le plus ?

Dans The Wire (la meilleure série du monde, cherchez pas j’ai raison), il y a un personnage de journaliste qui dit qu’il est trop simple pour vouloir des prix, il veut juste voir quelque chose de nouveau tous les jours, et écrire un papier là-dessus.

C’est pour ça que j’aime la traduction : découvrir des choses nouvelles tous les jours, et devoir faire preuve de créativité pour les faire passer dans la langue cible. Ça, et le fait de travailler sous contraintes, nombreuses quand on fait du jeu vidéo (nombre de caractère, contexte réduit, question de genre, etc.)

Mais qui sont-ils ?

C'est vrai, ça, qui sont ces huit membres qui composent le conseil d'administration de l'ATAA en 2023 ?

Afin de remettre les individus au centre de l'histoire, nous avons eu l'idée de ces portraits. Peut-être qu'en nous découvrant plus avant, vous ressentirez la grande envie de nous rejoindre au CA lors du prochain exercice qui commencera en 2024 !

Et pour le dernier portrait, mais pas des moindres, voici notre trésorière de choc, Simona Florescu.

Même avec de petites actions, on participe aux progrès de l'association, et voir notre effort collectif porter ses fruits, c'est aussi une leçon d'endurance et de persévérance au quotidien.
  • Quelle est la plus grande satisfaction que tu retires de ton travail de traductrice adaptatrice ?

Je crois que c'est à la fois le fait d'enrichir et d'approfondir mes connaissances dans tout un tas de domaines par les nombreux documentaires sur lesquels j'ai eu la chance de travailler, et la joie de faire rayonner la culture roumaine et ses œuvres cinématographiques en France. Ayant quitté la Roumanie à 4 ans, j'ai été un peu coupée de son histoire et de sa culture, mais je suis très émue de pouvoir aujourd'hui les redécouvrir et les partager avec les Français à travers les magnifiques documentaires se penchant aussi bien sur la faune et la flore que sur les traditions et coutumes ancestrales de certaines de ses régions encore méconnues.

Portraits de traducteurs : Elisabeth Fuchs

Suite de notre série de portraits de traducteurs, membres de l’ATAA.
La parole est à Elisabeth Fuchs !

Nom : Fuchs
Prénom : Elisabeth
En exercice depuis : 2006 (en traduction audiovisuelle depuis 2015)

Portraits de traducteurs : Délia D’Ammassa

Suite de notre série de portraits de traducteurs, membres de l’ATAA.
La parole est à Délia D’Ammassa !

Nom : D’Ammassa
Prénom : Délia
En exercice depuis : 1999

Ton parcours

Après des études d’anglais à Paris et cinq ans passés en Irlande, où j’ai étudié puis travaillé dans plusieurs domaines, comme la restauration, l’interprétation, l’enseignement et le tourisme, je suis revenue en France avec l’idée de compléter ma maîtrise d’un « DESS », le Master 2 actuel.

J’ai été acceptée au concours d’entrée du DESS de traduction et adaptation cinématographique de Lille, en 1998-1999. À la fin de l’année, la fac a organisé un stage collectif d’une semaine chez Dune MK. Ensuite, j’ai eu la chance d’être appelée par le laboratoire VDM, à Courbevoie, dès le début de l’été 99 pour un CDI dans leur tout nouveau service de sous-titrage, qui ne comptait qu’un seul traducteur, à l’époque. Il m’a formée, puis je l’ai remplacé pendant ses premières vacances et ensuite, on a travaillé à deux puis très rapidement à trois pendant plusieurs années. Mais les plans sociaux se sont succédé et j’ai fini par faire partie de la dernière vague de licenciements massifs avant la restructuration et le déménagement de VDM à Issy-les-Moulineaux en 2005. Depuis ce temps-là, j’exerce en free-lance.

Portraits de traducteurs : Maï Boiron

Suite de notre série de portraits de traducteurs, membres de l’ATAA.
La parole est à Maï Boiron !

Nom : Boiron

Prénom : Maï
En exercice depuis : 1994 chez Titra – 2001 en adaptation freelance

Ton parcours

1988-1992 : licence de LEA à Nanterre

1992-1993 : une année à l’Université de San Francisco, département cinéma.
1994 : engagée en CDI chez Titra Film grâce à George Dutter.
2001 : temps partiel chez Titra – début de mon activité d’adaptatrice de sous-titres
Fin 2013 : démission de Titra
2014 : début de mon activité d’adaptatrice de doublage

Portraits de traducteurs : Amandine Joyaux

Suite de notre série de portraits de traducteurs, membres de l’ATAA.

La parole est à Amandine Joyaux !

Nom : Joyaux

Prénom : Amandine
En exercice depuis : 2009

Ton parcours

Après avoir fait la formation de Lille 3, je me suis retrouvée sur le marché du travail en 2008 avec le désir de travailler dans le doublage et j’ai commencé par faire un stage en production chez Dubbing Brothers. Cette expérience n’ayant pas été concluante, je me suis tournée vers la voice over en janvier 2009. En septembre 2009, j’ai été contactée par la société Audiophase pour laquelle j’ai doublé deux séries et quelques téléfilms, puis, en mars 2010, j’ai commencé à travailler chez Mediadub. Depuis, j’écris trois séries pour eux et je continue parallèlement à travailler chez Nice Fellow, de temps en temps pour Audiophase (mais leurs tarifs n’encouragent pas vraiment une collaboration régulière…) ainsi que Deluxe Productions depuis peu.

Portraits de traducteurs : Virginie Bagot-Day

Pour mettre en lumière nos métiers de l’ombre, nous inaugurons aujourd’hui un nouveau rendez-vous sur le blog : les portraits de traducteurs, membres de l’Ataa. La première à s’être prêtée à l’exercice est Virginie Bagot-Day, qu’elle en soit remerciée !

Nom : Bagot-Day
Prénom : Virginie
En exercice depuis : 1994

Ton parcours

J’ai débuté dans le sous-titrage en passant par la case repérage-simulation dans un gros labo. J’y suis restée 3 ans pour ensuite me lancer.