Cinquième portrait, celui de Viviane Lesser, qui a choisi de mettre à profit ses multiples vies pour renforcer les rangs du CA !
- Quel a été le déclic qui t’a donné envie de te lancer dans la traduction ou l’adaptation audiovisuelle ?
Je suis franco-américaine, j’ai eu un rapport très concret à la traduction dès mon plus jeune âge. Mon père ne parlait pas français (mais il parlait l’anglais, l’ukrainien, le russe, le yiddish, l’hébreu et l’allemand !). Très tôt, j’ai appris à faire l’interprète pour lui et ses interlocuteurs français. Chez moi, mes parents et les aînés parlaient allemand entre eux ; à la maison, on parlait tous un mélange constant d’anglais et de français. J’ai eu plusieurs vies avant d’être autrice de doublage. J’ai fait des études de cinéma à Paris 8, j’ai travaillé dans le cinéma, le théâtre, le spectacle vivant, comme comédienne et chanteuse. À un moment, j’ai dû changer d’activité pour des raisons personnelles. J’avais toujours utilisé mon bilinguisme dans mes activités artistiques, et j’ai eu très envie de me consacrer à l’adaptation. J’ai renoué avec le monde du doublage, que je connaissais bien depuis mon enfance ; j’ai rencontré Pauline Brunel, qui m’a fait confiance et grâce à qui j’ai pu écrire ma première série pour Arte.
- Quel projet a constitué pour toi le plus grand défi technique, artistique ou humain ?
L’écriture de la série You a été une vraie aventure humaine et artistique. J’ai adoré la collaboration avec toute cette belle équipe. D’un point de vue d’écriture, il fallait toujours garder ces sensations de non-dits, ces formules qui ouvrent sur tout un corpus d’idées et de concepts. Et je dois dire que les saillies parfois tragiques, parfois très drôles des monologues du personnage principal étaient très jubilatoires à écrire.
Il y a aussi eu la série Silicon Valley, une critique drôle et acerbe du monde de la tech, encore terriblement actuelle. C’était très bavard, avec beaucoup de références culturelles et informatiques, de nombreux duels verbaux, et une bible énorme !
Et je n’oublierai jamais la confiance et le professionnalisme de Fred Taïeb. Je pense à lui chaque fois que je termine un beau projet.
- Y a-t-il une scène, une réplique ou un dialogue que tu as traduit/adapté et dont tu te souviendras toujours ?
Oui ! Un dialogue entre Stella (Gillian Anderson) et Spector (Jamie Dornan) dans le dernier épisode de la première saison de The Fall. Le personnage du tueur pense qu’il peut manipuler l’enquêtrice qui est sur ses traces, mais c’est elle qui finit par le terrifier. Et il y a ce bout de dialogue : « Vous pensiez que je vous laisserais partir ? Vous essayez de donner de la dignité à ce que vous faites. Mais ce n’est que de la misogynie. Une violence masculine séculaire dirigée contre les femmes. »
- Comment as-tu su que c’était le bon moment pour rejoindre le CA ?
Cela faisait déjà plusieurs mois que je m’étais impliquée, en tant que membre de l’association, sur le sujet de l’IA générative, notamment dans le dialogue avec les comédiens. Alors, ça m’a semblé tout naturel de rejoindre le CA pour m’investir encore davantage
- Quelle expérience ou expertise personnelle aimerais-tu mettre davantage au service de l’ATAA dans les mois à venir ?
Je dirais : continuer de mettre mon énergie et mon sens du contact au service du collectif.
- Qu’as-tu découvert sur l’association ou sur le métier en intégrant le CA, que tu ne soupçonnais pas avant ?
La veille pour répondre aux demandes des adhérents ! Plus sérieusement, le temps et la diplomatie que ça demande. Et qu’avec du dialogue, on peut obtenir de vraies avancées.
- Quel changement récent dans le secteur te semble le plus déterminant pour notre avenir ?
Ça ne va pas vous paraître original, mais je vais dire la menace grandissante de l’IA générative dans toute la chaîne de nos métiers, accompagnée d’une tendance à l’« industrialisation » de l’audiovisuel. Nous sommes des artisans qui travaillons dans une industrie, et c’est en défendant nos savoir-faire que nous relèverons le défi.
- Quelle est la meilleure leçon que tu aies apprise depuis tes débuts, et que tu aimerais transmettre aux nouvelles et nouveaux arrivant·es ?
Faites toujours de votre mieux, faites confiance à vos collègues… et prenez un chien ! Comme ça, vous serez obligés de faire des pauses et de vous dégourdir les jambes !
