Portrait des nouveaux membres du Conseil d'Administration - Saison 3

Pour la troisième année consécutive, les nouveaux membres du CA se prêtent au jeu des portraits. Découvrez qui sont ceux qui sont venus renforcer les rangs de l'ATAA en 2025 !

Deuxième portrait 2025, celui du chat du CA qui en est sorti pour mieux y re-rentrer, Jean-François Cornu !

Crédit photo : Estelle Renard
Nous vivons actuellement [...] un basculement dont tout le monde ne semble pas encore mesurer la gravité. Pour ma part, et bien que je ne sois évidemment pas au début de ma carrière, je ne peux pas rester les bras ballants face à ce bouleversement.
  • Quel a été le déclic qui t'a donné envie de te lancer dans la traduction ou l'adaptation audiovisuelle ?

Je ne voulais pas devenir prof ! Au tournant des années 1970-1980, lorsque j’étais étudiant en anglais, faire des études de langues, c’était forcément pour devenir enseignant dans le secondaire, du moins selon les universitaires de l’époque. Cette perspective ne me séduisait pas du tout. Mon goût de la langue anglaise et des cultures dont elle est l’expression se doublait d’une passion pour le cinéma. Quand j’ai découvert l’existence, alors toute récente, d’un DESS en traduction cinématographique à Lille – devenu le Master aujourd’hui bien connu –, j’ai trouvé le moyen d’allier mes deux passions, dans l’espoir que je pourrai en faire mon métier.

  • Quel projet a constitué pour toi le plus grand défi technique, artistique ou humain ?

Le sous-titrage de King Lear, de Jean-Luc Godard. Présenté en 1987 au Festival de Cannes, sans sous-titres à la demande du cinéaste, ce film n’est sorti en salles en France qu’en 2002. Il s’agit d’une réflexion très godardienne sur l’idée d’adapter au cinéma Le Roi Lear de Shakespeare. Différentes scènes écrites par Godard se succèdent, entrecoupées d’extraits de la pièce joués, ou plutôt dits, par plusieurs comédiens.

Je disposais d’une transcription qui ne distinguait pas les dialogues de Godard de ceux de la pièce. Bien sûr, le style shakespearien était facilement reconnaissable, mais la liste des dialogues ne donnait aucune précision sur l’acte et la scène où se trouvait telle ou telle réplique, que j’ai dû dénicher en lisant attentivement une édition bilingue anglais-français de la pièce. Car nous étions au début des années 2000 et tout Shakespeare n’était pas encore sur Internet.

En outre, dans l’une des dernières scènes du film, un texte est dit, dont le style n’était manifestement dû ni à Godard ni au grand Will. Littéraire, mais beaucoup plus contemporain. Évidemment, la transcription n’offrait aucun indice non plus. Grâce à une portion de phrase, Internet est tout de même venu à ma rescousse, non pas en m’indiquant d’emblée d’où provenait ce passage, mais par la présence de ce fragment dans un article universitaire à propos de… Virginia Woolf : il s’agissait d’un passage de la fin des Vagues. Cela ne s’invente pas !

Toutefois, un indice à l’image aurait pu me mener plus vite sur la bonne piste. Dans un plan large, on aperçoit une édition de poche du livre en anglais, posée sur un rivage (comme il se doit) et dont le titre est bien lisible au premier plan. Seulement, sur mon petit écran de télé de l’époque et avec une VHS de qualité moyenne, cette couverture était parfaitement illisible. Ce n’est que plus tard, en projection de presse sur grand écran, que j’ai repéré ce détail qui aurait pu me faire gagner un peu de temps.

  • Y a-t-il une scène, une réplique ou un dialogue que tu as traduit/adapté et dont tu te souviendras toujours ?

Tous les dialogues de L’Ombre d’un mensonge, de Bouli Lanners, sorti en France en 2022. Ce film se déroule sur l’île écossaise de Lewis et le cinéaste-comédien belge l’a tourné presque entièrement en anglais, à l’exception de deux scènes en français, que mon ami Ian Burley a sous-titrées en anglais pour la version originale, dont le titre est Nobody Has to Know.

Comme dans ses films en français, Bouli Lanners a écrit, pour L’Ombre d’un mensonge, des répliques très épurées, parfois déconcertantes. Ces dialogues ne disent souvent que le strict minimum et c’est au spectateur de comprendre peu à peu les situations et les rapports entre les personnages.

Le même souci d’épure s’est imposé à l’écriture des sous-titres français, souci accentué par le contexte singulier dans lequel ce travail a eu lieu, au fil de l’année 2020. Les longues interruptions dues aux confinements alors en vigueur en Belgique (pays de production du film) et en France ont amené le cinéaste à retravailler plusieurs fois son montage et à épurer encore ses dialogues, en supprimant ici et là quelques répliques, mais aussi en ajoutant des scènes qui ne figuraient pas dans le premier montage dont j’avais disposé. C’est au terme de quatre versions différentes que j’ai pu faire la simulation à Bruxelles fin 2020, avec la participation de Bouli Lanners. Un bonheur !

  • Comment as-tu su que c'était le bon moment pour rejoindre le CA ?

J’ai été membre du CA de 2018 à 2020, puis à nouveau en 2025, avec l’intention de poursuivre en 2026. Auparavant, j’avais participé à la belle aventure de L’Écran traduit, avec Anne-Lise Weidmann, Samuel Bréan et Till Zimmermann. Il me semblait que le temps était venu de contribuer sous une nouvelle forme à la vie de l’association et à la défense de nos métiers. Je me suis engagé notamment pour faire entendre la voix de l’ATAA auprès des institutions, à la suite du rapport « L’auteur et l’acte de création » de Bruno Racine, qui, entre autres, entendait créer un nouvel organisme de sécurité sociale pour les artistes-auteurs. Sur ce point, on a aujourd’hui l’impression d’avoir piétiné depuis trois ans. Mais il en faut plus pour me dissuader de l’engagement associatif !

  • Quelle expérience ou expertise personnelle aimerais-tu mettre davantage au service de l'ATAA dans les mois à venir ?

Celles que je mets déjà depuis plusieurs années au service de l’association, notamment au sein de l’AVTE, notre fédération européenne des associations de traducteurs de l’audiovisuel. L’ouverture sur l’international me paraît indispensable si nous voulons défendre et promouvoir efficacement nos métiers car beaucoup de choses se jouent aujourd’hui à l’échelle européenne et mondiale. Notamment cette satanée IA, contre laquelle il faut combattre sans relâche, en traduction comme dans bien d’autres domaines. Le recul que m’offrent quelques décennies d’activité me permet de comprendre qu’il ne s’agit pas simplement d’une nouvelle étape technique, comme l’arrivée de l’informatisation, de la vidéo, puis du numérique dans nos professions. C’est une destruction de nos savoir-faire et de notre créativité qu’il faut dénoncer, non seulement pour préserver notre gagne-pain, mais pour le respect des œuvres – quelle que soit leur qualité artistique – que nous traduisons et pour le respect du public.

  • Qu'as-tu découvert sur l'association ou sur le métier en intégrant le CA, que tu ne soupçonnais pas avant ?

La grande diversité de ce qu’on appelle aujourd’hui la traduction audiovisuelle, qui comprend la localisation de jeux vidéo ou l’audiodescription, par exemple. Mais aussi, malheureusement, le grand cloisonnement entre les métiers en fonction du débouché des œuvres traduites, des conditions de travail et de rémunération. Pourtant, nous devrions toutes et tous être logés à la même enseigne, que l’on ait pour client un distributeur ou un prestataire technique.

  • Quel changement récent dans le secteur te semble le plus déterminant pour notre avenir ?

La question de l’IA est LE sujet d’actualité, dans tous les domaines de traduction d’ailleurs. Nous vivons actuellement, non pas une période de transition comme nos métiers en ont connu par le passé, mais un basculement dont tout le monde ne semble pas encore mesurer la gravité. Pour ma part, et bien que je ne sois évidemment pas au début de ma carrière, je ne peux pas rester les bras ballants face à ce bouleversement.

  • Quelle est la meilleure leçon que tu aies apprise depuis tes débuts, et que tu aimerais transmettre aux nouvelles et nouveaux arrivant·es ?

Solidarité et joie du travail collectif.

Commençons avec Julie Verdalle, celle qui n'a pas eu peur de sauter dans le grand bain en se proposant de devenir secrétaire adjointe dès son premier mandat au sein du CA.

Quand tout semble partir à vau-l’eau, c’est réconfortant de se dire qu’au moins, on ne reste pas sans rien faire.
  • Quel a été le déclic qui t’a donné envie de te lancer dans la traduction ou l’adaptation audiovisuelle ?

J’ai toujours aimé jouer avec les mots. Quand j’avais 10-11 ans, frustrée de ne pas comprendre mes chansons anglophones préférées, j’ai entrepris de les traduire munie seulement d’un dictionnaire bilingue et des fiches de paroles qu’on trouvait dans Star Club (instant nostalgie). Le résultat au mot à mot ne voulait pas dire grand-chose, mais j’ai adoré l’exercice. La preuve, 20 ans plus tard, je continue ! (à traduire, pas à faire du mot à mot…) Et mon esprit joueur apprécie les contraintes liées à l’audiovisuel : il n’y a rien de plus satisfaisant que de trouver LE bon mot qui rentre dans le temps imparti.

  • Quel projet a constitué pour toi le plus grand défi technique, artistique ou humain ?

À ce jour, je reste traumatisée par une émission sur la pêche à la carpe. Un intervenant qui explique d’un ton monocorde pendant 40 minutes comment il fabrique ses propres bouillettes (je vous laisse googler), des termes extrêmement techniques, un script bourré de fautes… J’ai cru ne jamais m’en sortir, et ce, malgré de longues heures passées sur d’obscurs forums de carpistes. Un cauchemar !

  • Y a-t-il une scène, une réplique ou un dialogue que tu as traduit/adapté et dont tu te souviendras toujours ?

Aïe aïe aïe, j’aurais dû prendre des notes au cours des 10 dernières années ! Mais en me creusant un peu la tête, une scène me revient. Dans une émission de divertissement du type The Bachelor, le présentateur demande à un jeune homme quelle loi il aimerait faire passer aux États-Unis. Ce dernier répond : I would ban all guns. The only guns that are allowed are these guns right here (en argot, guns désignent des bras musclés). Et évidemment, il dit ça en roulant ostensiblement des mécaniques. Je l’ai traduit par : « J'interdirais la peine de mort. Car ici, le seul bourreau des cœurs, c'est moi. » J’avoue que je suis assez contente de ma trouvaille !

  • Comment as-tu su que c’était le bon moment pour rejoindre le CA ?

Plus que jamais, je trouve que l’état du monde actuel donne envie de s’engager et de retrouver un sentiment de communauté. Cela faisait un moment que je me disais « Quand même, ils ont bien du courage à l’ATAA, avec tout ce qu’il y a à faire », mais sans vraiment pousser la réflexion plus loin. Alors, quand le CA édition 2024 a lancé un appel aux candidatures, je me suis dit que c’était l’occasion de me bouger les fess… De m’investir et d’apporter ma petite pierre à l’édifice. Quand tout semble partir à vau-l’eau, c’est réconfortant de se dire qu’au moins, on ne reste pas sans rien faire.

  • Quelle expérience ou expertise personnelle aimerais-tu mettre davantage au service de l’ATAA dans les mois à venir ?

Je compte garder mon rôle de secrétaire adjointe et aider à ce que les rouages de la machine tournent sans encombre. La logistique et l’organisation sont mes domaines de prédilection, donc j’essaie de m’atteler aux chantiers où cela s’avère le plus utile. Vu que je fais partie du comité du Prix Jeux Vidéo, qui se tiendra pour la première fois au printemps 2026, j’imagine que j’aurai de quoi faire !

  • Qu’as-tu découvert sur l’association ou sur le métier en intégrant le CA, que tu ne soupçonnais pas avant ?

Quand on est simplement adhérent·e, on ne se rend pas compte de la quantité de travail abattue par le CA. Personnellement, j’ai été stupéfaite par le nombre de réunions, tables rondes, conférences, débats… auxquels participe l’ATAA, en France et ailleurs. Pour nos membres les plus actives, c’est un engagement extrêmement chronophage. Mais à côté de ça, personne ne vous met la pression. Toute aide est la bienvenue, et chacun·e participe autant qu’il ou elle le souhaite. Enfin, sur le plan personnel, je craignais de me sentir un peu isolée vu que j’habite à Toulouse. Et en fait, absolument pas : j’ai été accueillie à bras ouverts et j’ai fait des tas de belles rencontres. Bref, aucun regret !

  • Quel changement récent dans le secteur te semble le plus déterminant pour notre avenir ?

Hélas, comment répondre autre chose que l’IA ? Je ne vais pas répéter ce que nous savons déjà tous et toutes, mais il est important de rappeler aux gens qu’ils ont encore le choix. Non, vous n’êtes pas obligés de vous contenter d’adaptations médiocres ! Quand vous tombez sur une traduction truffée de fautes, illisible, calquée sur la VO, découpée n’importe comment… N’hésitez pas à vous plaindre haut et fort et à faire remonter l’information. Nous méritons de continuer notre métier dans de bonnes conditions, et vos œuvres préférées méritent des adaptations qui leur rendent justice. Ne baissons pas les bras !

  • Quelle est la meilleure leçon que tu aies apprise depuis tes débuts, et que tu aimerais transmettre aux nouvelles et nouveaux arrivant·es ?

Réfléchissez bien avant de contacter l’URSSAF : pour chaque minute passée au téléphone avec eux, vous perdrez une année d’espérance de vie ! Bon, blague à part, je leur conseillerais de faire une séparation nette entre vie pro et vie perso. Ne travaillez pas (tous) les week-ends, ne consultez pas vos mails le soir, et gardez en tête que nous ne sommes pas médecins ou pompiers : rien n’est vraiment « urgent » dans notre métier, contrairement à ce que certains clients essaieront de vous faire croire un vendredi à 17 h.

Mais qui sont les petits nouveaux ?

En 2024, le Conseil d'Administration de l'ATAA s'est étoffé de cinq nouveaux membres. Qui sont-ils ? Quelles sont leurs motivations ? Vous voulez tout savoir sur eux ? Alors c'est parti !

Et le mot de la fin pour Clément Martin, traducteur de jeux vidéo !

L'ATAA est une structure qui a à cœur le bien-être de ses adhérents, et dans laquelle, si on y met le temps nécessaire, on peut, à sa mesure, faire évoluer les choses dans le bon sens. Et en plus rencontrer des gens super et boire des coups. Que demande le peuple ?
  • Depuis combien de temps travailles-tu dans le domaine de la traduction ou de l'adaptation audiovisuelle ?

Mon tout premier (et seul à ce jour) contrat en audiovisuel remonte à avril 2020 (pour m’occuper pendant le confinement, c’était super) : c’était de la voix-off pour un documentaire, je n’y connaissais rien et j’ai fait de mon mieux. J’ai été payé, j’imagine que ça veut dire que le client était content.

Sinon, je traduis à temps plein depuis septembre 2021, et je ne fais plus trop d’audiovisuel à part pour le jeu vidéo, qui est ma deuxième casquette principale (une image mentale toujours délicieuse, les casquettes multiples).

  • Quel aspect de ce métier te passionne le plus ?

Dans The Wire (la meilleure série du monde, cherchez pas j’ai raison), il y a un personnage de journaliste qui dit qu’il est trop simple pour vouloir des prix, il veut juste voir quelque chose de nouveau tous les jours, et écrire un papier là-dessus.

C’est pour ça que j’aime la traduction : découvrir des choses nouvelles tous les jours, et devoir faire preuve de créativité pour les faire passer dans la langue cible. Ça, et le fait de travailler sous contraintes, nombreuses quand on fait du jeu vidéo (nombre de caractère, contexte réduit, question de genre, etc.)