Rencontre avec Isabelle Brulant

Lauréate du Prix de la traduction de documentaires audiovisuels 2024

Félicitations pour votre prix ATAA !

Si vous ne l’aviez pas remporté, comment auriez-vous réagi ?

Si je n’avais pas gagné le prix, j’aurais applaudi poliment [rires]. J’aurais évidemment été déçue mais pas surprise, car je ne m’attendais pas à gagner. Avec des thématiques ultrapointues sur le monde de la boxe ou l’univers de la haute couture, je n’imaginais pas rivaliser avec les autres finalistes [respectivement Stanislas Raguenet & Cristina Fernandez et Isabelle Sassier, ndlr]. Je pensais même que Lola [Wagner] aurait remporté le prix, car Food Factory s’avère un programme compliqué. Je trouve positif qu’un épisode de téléréalité ait remporté une mention spéciale – comme Delphine Piquet en 2019 avec une série sur le quotidien d’une équipe de mécaniciens – car c’est représentatif d’une réalité de notre métier. Cette récompense démontre qu’il ne faut pas confondre la thématique d’un documentaire avec la difficulté de traduction et la qualité du travail de l’adaptateur. Notre secteur d’activité valorise peu la téléréalité car c’est un genre populaire, au contenu pas toujours intéressant. Pourtant, ces programmes très bavards peuvent nécessiter beaucoup de recherches et s’avérer très complexes à adapter. À l’inverse, un très beau documentaire animalier passera pour un programme prestige. Alors même qu’il s’agira d’une narration dotée de peu de mots, de quelques jolies phrases ponctuées de nombreux silences, et ne nécessitant que peu de recherches…

Cette échelle de valeur dans les programmes s’observe également au sein des professionnels de la traduction. Ceux qui font de la voice over sont dépréciés. Le doublage se situe tout en haut de la pyramide, au-dessus du sous-titrage, tandis que la voice over, perçue comme le travail d’adaptation le plus facile, est reléguée tout en bas de cette hiérarchie. Beaucoup dans le métier – DA, chargés de projets dans les labos, etc – refusent même les projets en voice over… Selon moi, il serait nécessaire d’entreprendre une revalorisation du documentaire. Par chance, Netflix a un peu changé la donne en nourrissant son catalogue de non-fiction. Précédemment, il n’y avait qu’Arte à s’illustrer véritablement dans ce domaine.

Lola Wagner (mention spéciale) et Isabelle Brulant

Pensez-vous qu’il soit courageux de concourir au Prix de l’ATAA avec un programme de téléréalité ?

Il peut être difficile de postuler parce que nous ne nous sentons pas légitimes, et que nos programmes ne sont pas toujours intéressants. Nous n’osons pas… D’autant que ces projets sont souvent faiblement rémunérés. Nous avons peur d’être jugés pour avoir accepté de mauvaises conditions de rémunération et pour ne pas avoir respecté la charte éthique de l’ATAA. Et que dire des labos dont les grilles tarifaires restent basses et qui, de fait ne nous respectent pas ? Nous n’avons aucune envie de les mettre en lumière lors de la cérémonie des Prix de l’ATAA !

Pourquoi ne traduisez-vous pas de fiction ?

Dans ma carrière, la seule traduction de fiction que j’ai réalisée était pour Dubbing Brothers dans le cadre du festival Séries Mania organisé chaque année à Lille. J’ai beaucoup aimé cet exercice, mais je reconnais que je n’aimerais pas m’y consacrer à temps plein. La fiction nécessite un engagement important sur plusieurs saisons, or j’ai besoin d’oxygéner mon cerveau en diversifiant les contenus. J’ai du mal à m’investir sur un unique sujet longtemps : même pour une série documentaire de huit épisodes consacrée aux expériences scientifiques nazies (bombes, virus, etc), je me suis lassée au bout de la quatrième partie. Que les documentaires historiques soient bavards et truffés de données y a également contribué... Mais, sauf exception, la traduction exclusive de documentaires me permet d’alterner les thématiques toutes les semaines : c’est génial ! Quand je suis fatiguée intellectuellement, je traduis une docufiction criminelle. Cela me donne la sensation de mener moi-même l’enquête. Ce type de programme réclame également des recherches mais pour des raisons différentes. Au montage, on perd souvent de l’information. Je pense en effet qu’il y a beaucoup de rushes, et que le contenu est synthétisé au maximum pour tenir en 44 minutes. Cela peut faire perdre la logique des raisonnements. Il m’est arrivé de vérifier sur Google Maps comment s’agençaient les lieux d’un meurtre pour en comprendre le déroulement ; ou encore de rechercher des articles de presse pour saisir l’incidence de certaines pièces à conviction. Dans tous les cas, je veille à retrouver le sens, à relier les informations, à gommer l’impression que le narrateur passe du coq à l’âne et à restituer la logique des déductions policières.

Avec les jurées Mélanie Bréda et Marine Héligon

Lors de la cérémonie, vous avez salué le travail de votre relectrice Agnès El Kaïm pour le documentaire Pétrole, un lobby tout-puissant. Est-ce habituel que les labos vous proposent ce genre de collaboration ?

Lorsque j’ai commencé ma carrière, les labos faisaient des retours sur notre travail. Par la suite, les restrictions budgétaires n’ont plus permis cette relecture. Nos traductions arrivent désormais directement entre les mains des DA. Certains prennent le temps de faire des retours, mais cela n’a rien de systématique. Avec mon amie Carole Remy, nous prenons sur notre temps personnel pour relire mutuellement certains de nos programmes. Notamment, ceux présentant les plus gros enjeux. Ces simulations s’avèrent d’autant plus utiles qu’elles donnent l’opportunité d’appréhender les méthodes de travail de nos confrères et consœurs. Comme cela a été le cas avec Claudia Faes que j’ai connue lorsque j’ai traduit un programme complexe sur la Station spatiale internationale. Le labo lui avait confié la relecture de mes sous-titres. J’avoue que ça m’a mis une pression supplémentaire car Claudia était la lauréate en titre du prix de la traduction de documentaires audiovisuels. Ses retours ont été d’une qualité tellement supérieure à tout ce que j’avais déjà vu ! Bien que n’étant pas spécialiste de la question, ses remarques étaient ultra précises. Claudia avait réalisé de nombreuses recherches et m’a suggéré de très bonnes idées. Par ailleurs, j’ai été impressionnée par sa maîtrise technique du logiciel de sous-titrage qui était nouveau pour moi. Elle m’a énormément aidée sur ses fonctionnalités. Je me suis sentie en sécurité : en cas de souci, je savais qu’elle aurait la solution. Lors de cette collaboration, j’ai réalisé que Claudia était une pointure dans notre métier. Il faudrait que je me penche davantage sur son travail…

Maintenant que vous êtes, vous aussi, publiquement reconnue par vos pairs, comment allez-vous le communiquer ?

Beaucoup de confrères et consœurs m’ont recommandé de capitaliser sur ce moment et de mentionner le prix dans la signature de mes emails. Pour le moment, j’ai seulement posté un message sur LinkedIn. Mais il faudrait que je saisisse cette occasion pour relancer des prospects ou des clients. Seulement, il est toujours compliqué de démarcher sans être capable d’absorber immédiatement de nouveaux projets. Dans nos métiers, les clients attendent souvent que nous soyons disponibles tout de suite. C’est un équilibre difficile à trouver…

Crédit photo : Brett Walsh

Prix de la traduction de documentaires audiovisuels 2024 : bravo à Isabelle Brulant et Lola Wagner !

Jeudi 14 novembre 2024, Madeleine Lombard, Marion Riches et Adrienne Golzio du comité d’organisation du Prix de la traduction de documentaires audiovisuels ont accueilli 100 invités dans l’auditorium Charles Brabant de la Scam. Rassemblé pour la cérémonie de remise du Prix, ce public a assisté au sacre d’Isabelle Brulant qui a remporté le trophée, et de Lola Wagner récompensée d’une mention spéciale.

C’est avec un plaisir non dissimulé que Rémi Lainé, président du conseil d’administration de la Scam – où siège notre représentante Valérie Julia –, et Hervé Rony, directeur général de la Scam, ont accueilli la 7e édition de la cérémonie de remise du prix de la traduction de documentaires de l’ATAA. Après un an de travaux, le magnifique hôtel particulier offre de nouveaux espaces de travail, dont des studios Image & Son, accessibles gratuitement aux adhérents de la Scam. Chacun est invité à se les approprier. D’autant que Rémi Lainé et Hervé Rony n’ont pas non plus caché leur attachement aux traducteurs de l’audiovisuel dont ils reconnaissent l’apport au métier. En effet, rien n’est-il plus éloigné d’une adaptation professionnelle qu’une traduction DeepL ? Consciente que notre profession est mise à mal, la Scam se bat chaque jour pour négocier des accords. La mobilisation est complète concernant l’intelligence artificielle pour laquelle des possibilités d’encadrement sont à l’étude. Avec un répertoire particulièrement cohérent, la Scam sait qu’elle pèse dans les négociations, de même que les traducteurs dont le poids est réel. Et s’il fallait une autre preuve d’appartenance des traducteurs à la grande famille de la Scam, Rémi Lainé et Hervé Rony ont officiellement annoncé qu’une enveloppe de soutien institutionnel d’un montant de 10 000 euros venait d’être attribuée à l’ATAA.

Hervé Rony, directeur général de la Scam, et Rémi Lainé, président

Rencontre avec Elisa Colliez

Autrice et membre du jury des Prix Série de l’adaptation en sous-titrage

Quel bilan tirez-vous de votre activité de jurée ?

Être jurée s’avère une position intéressante, mais pas si facile. Il a fallu prendre la posture d’un spectateur à la fois initié et objectif sans tomber dans l’exercice de simulation. Si les quatre séries finalistes se sont presque imposées d’elles-mêmes, il a été bien plus difficile de les départager : chaque adaptation excellait ; ce qui nous a obligées à entrer dans le détail de chaque réplique, chaque trouvaille — et c’est là que l’exercice devient passionnant. Cela a donné lieu à de longs débats et chacune, avec sa sensibilité, ses habitudes, son expérience, apportait une lecture différente. Tous ces échanges m’ont permis de réfléchir à mes propres pratiques, à ce qui fait ou non un bon sous-titrage… À ce qui marche et ce qui marche moins bien.

Concernant la série Ted Lasso, j’ai aimé observer l’expertise des jurées coutumières des comédies. Personnellement, j’ai très peu travaillé sur ce genre de programmes… Leur approche pour traduire l’humour s’est révélée différente de celle des adaptatrices familières des séries historiques. Néanmoins, quel que soit le registre, notre mission consiste à faire découvrir et transmettre la culture source au public cible. Quand il s’agit d’une diffusion grand public, il faut que les références soient immédiates. C’est une question de dosage et notre rôle comprend aussi de savoir où placer le curseur.

Cérémonie des prix de l'ATAA 2024

Vendredi 31 mai, la 12e édition de la remise des Prix de l’ATAA s’est ouverte devant un parterre de 250 convives rassemblés dans l’auditorium Debussy-Ravel de la Sacem. Réunissant de nouveau cinéma et séries, la cérémonie a récompensé de quatre prix d’adaptation six autrices et un auteur pour l’excellence de leurs sous-titres ou de leur doublage. Retour sur cet événement qui restera gravé dans les mémoires.

Plein d’un enthousiasme communicatif, le jury cinéma n’a pas caché son plaisir de remettre le Prix de l’adaptation en sous-titrage d’un film anglophone à Anne Crozat, ravie de transformer l’essai pour cette troisième nomination ; et à Jean Bertrand, lauréat du Prix de l’adaptation en sous-titrage d’un film non-anglophone. Ému aux larmes, ce dernier ne s’imaginait pas remporter le trophée pour un film traduit de l’allemand et traitant de l’insoutenable solution finale imaginée par les Nazis…

Anne Crozat, lauréate du Prix cinéma sous-titrage d'un film anglophone pour "Renfield"
Jean Bertrand, lauréat du Prix cinéma sous-titrage d'un film non anglophone pour "La Conférence"

7e édition : Prix de la traduction de documentaires audiovisuels

Appel à candidatures - février 2024

2024 est une année bissextile. Une année où un petit jour se glisse, l’air de rien, dans les interstices du calendrier : ne serait-ce pas l’année où, vous aussi, vous vous glisserez hors de votre caverne de dictionnaires pour briller au grand jour ? Allez, c’est dit. Cette année, vous postulez au Prix de la traduction de documentaires audiovisuels.

Quoi quand qu’est-ce ?

Ce prix, organisé en partenariat avec la Scam, braque les projecteurs sur ceux et celles qui, par leur travail, rendent accessibles les programmes étrangers au public français : les traducteurs et traductrices de documentaires.

Chaque édition, c’est l’occasion de décortiquer les adaptations qui ont rythmé votre année, de plonger dans la matière de traductions fluides, pointues, inventives. D’entendre des voice-over qui claquent, de lire des sous-titres qui tapent juste. De se passionner pour des sujets improbables. De s’interroger sur ce que l’on considère une bonne adaptation française, d’en débattre au sein du jury. De se retrouver avec le reste de la profession lors de la cérémonie de remise du prix pour faire le point sur le métier et se souvenir de la puissance des liens du collectif.

« Tout ça, vraiment ? N’en jetez plus, j’y vais ! »

Comment participer ?

Pour vérifier que votre candidature répond aux critères du Prix, n’hésitez pas à consulter l’appel à candidatures et le règlement de l’édition 2024. Les candidatures concernent les documentaires diffusés à la télévision et sur plateformes entre le 1er mars 2023 et le 29 février 2024.

À noter : la présence d’une membre du jury travaillant chez EVA Strasbourg exclura pour cette édition les adaptations réalisées pour ce laboratoire.

Pour soumettre votre candidature, rendez-vous sur le formulaire en ligne. Vous pourrez joindre les éléments (vidéos et scripts VO et VF) en suivant un lien à la fin du formulaire.

Année bissextile, on avait dit ? Le formulaire sera actif du 29 janvier au 29 février 2024.

Si vous souhaitez participer, mais que vous avez des difficultés à vous procurer les éléments manquants (la vidéo VF/VOST, notamment), pensez à déposer votre candidature avant la date-butoir : vous pourrez toujours nous envoyer les éléments ensuite.

En cas de doute sur la validité ou la pertinence d’une candidature, n’hésitez pas à nous écrire : prix-documentaire@ataa.fr

Rencontre avec Claudia Faes, lauréate du Prix ATAA de la traduction de documentaires audiovisuels

Lors de la cérémonie, vous avez tenu à poser devant l’objectif avec Juliette Coupat et Claire Breton, finalistes du Prix. Pourquoi était-ce important pour vous ?

J’aime beaucoup cette photo ! C’est la seule image de nous trois. Selon moi, il est essentiel de valoriser l’ensemble des adaptateurs et adaptatrices. Dans la réalité, il est possible de se considérer comme des concurrents… Mais selon moi, c’est l’esprit d’entraide et la bienveillance qui permettent de durer dans ce métier et de tenir le coup. Dans notre secteur d’activité, nous connaissons une forte pression, soit parce que nous sommes en PLS en attente d’un projet ; soit parce que quatre programmes formidables nous sont proposés en même temps. Nous disons « oui » à tout, tant nous appréhendons les périodes de vaches maigres. Ensuite, les éléments n’arrivent pas, les délais deviennent tendus… Nous nous sentons constamment sur la brèche. D’où l’importance d’avoir un entourage de confiance avec qui se serrer les coudes. Ce sont des personnes qui nous recommandent sans se sentir en danger ou qui nous cooptent sur un projet dont le délai est trop court. Ce climat positif me semble fondamental.

Claire Breton, Claudia Faes et Juliette Coupat (crédit photo : Brett Walsh)

Rencontre avec le jury du Prix de la traduction de documentaires audiovisuels 2023

Pour rappel, les membres du jury sont : Anthony Beauvois, adaptateur, Ariane Carbonell, responsable des traductions et du sous-titrage chez Netflix, Philippe Kurzawa, directeur artistique chez Eclair Vanves, Marie Laroussinie, adaptatrice, co-lauréate Prix Documentaires 2022 et Elsa Vandaele, adaptatrice, mention spéciale Prix Documentaires 2022.


À quels critères d’évaluation avez-vous été sensibles lors de cette édition 2023 des Prix ATAA documentaires ?

Elsa Vandaele : Personnellement, j'apprécie avant tout la fidélité au texte original. Tout en évitant la littéralité, bien sûr ! Mais si la phrase originale est un peu trop vague, il est aussi essentiel que les auteurs rajoutent les informations nécessaires pour replacer le contexte. Tout est une question de dosage. Par ailleurs, j'aime quand le texte de la version française magnifie la version originale. Je préfère que le vocabulaire soit légèrement plus sophistiqué – sans pour autant être trop complexe – plutôt qu’appauvri, et qu'il contribue ainsi à l'immersion.

Philippe Kurzawa : En tant que directeur artistique, je suis attentif au calage du texte par rapport à l'image et à la bande-son, et à l'esthétique globale d’un programme. En fonction de la musique et des effets spéciaux, il est parfois essentiel de ne pas parler. Parmi les films visionnés, certains étaient très tassés sur le plan vocal : la narration reprenait immédiatement après une intervention, sans laisser de respiration, alors qu'il y avait de belles virgules musicales à apprécier. Lorsqu'il s'agit d'extraits de films ou d'interviews, il est important d'aérer et d'alléger le texte, et de lui donner le rythme adéquat. Un trop-plein d’information risque de faire passer à côté de l'essentiel et de rendre difficile la compréhension du message de l'auteur.

Anthony Beauvois : J’ai trouvé intéressant que certains adaptateurs et adaptatrices ajoutent à leur texte des notes de bas de page pour justifier l'utilisation d'une expression particulière ou pour expliquer un choix terminologique. Ces notes contenaient des liens vers des sites Internet ou des articles aidant à comprendre les intentions du traducteur. Pour un directeur artistique, qui est le dernier maillon du processus, ce complément d’information peut être précieux pour prendre des décisions éclairées lors de l'enregistrement. Cependant, en tant que jurés, cela nous a posé quelques difficultés : en effet, certaines sources nous ont semblé peu fiables. Par ailleurs, il devenait difficile de juger tous les programmes sur un pied d'égalité sachant que certains auteurs ne fournissaient aucune note ni précision dans le document VF dont nous disposions. Mais peut-être les communiquaient-ils à leurs clients par un autre biais...

Rencontre avec Lucinda Treutenaere

Lauréate du prix ATAA de l’adaptation en sous-titrage d’un film anglophone

Crédit photo : Rémi Poulverel

Bravo pour l’adaptation de Fisherman’s Friends ! Lors de la cérémonie, le public a pu mesurer à vos cris de joie, l’importance que ce Prix ATAA représente pour vous.

C'était une soirée incroyable ! À l’annonce de nos Prix, Emmanuel Menouna Ekani, Éléonore Boudault et moi-même avons littéralement explosé de joie. Ce moment a tellement été chargé en émotions que j'ai eu du mal à m'en remettre. J’étais comme sortie de mon corps. Je n'aurais jamais imaginé remporter ce Prix. Ma nomination me suffisait : c’était déjà une reconnaissance incroyable. Heureusement que Céline Merlin, la responsable de notre service à Titrafilm, m'avait suggéré de préparer un discours. « On ne sait jamais… », disait-elle. Quel précieux conseil ! Sinon, j'aurais été totalement incapable de dire quoi que ce soit sur scène.

Rencontre avec Emmanuel Menouna Ekani

Lauréat du prix ATAA de l’adaptation en sous-titrage d’un film anglophone

Crédit photo : Rémi Poulverel

Dans quel contexte vous a-t-on confié les sous-titres de Space Jam : Nouvelle ère, film pour lequel vous avez reçu un Prix ATAA ?

À 15 ans, j’avais adoré le film original Space Jam avec le mythique Michael Jordan. Ce premier opus avait été un succès. Dès connaissance de la sortie de Space Jam : Nouvelle ère, mon collègue Bob Yangasa – auteur du doublage – et moi-même avons exprimé notre intérêt pour ce projet à la Warner, et envoyé un email pour expliquer notre motivation et démontrer que nous serions la dream team pour cette adaptation. Et nous avons été choisis !

Sur le papier, ce film semblait enthousiasmant. Il rassemblait les mêmes ingrédients que le premier film : des personnages de dessins animés jouant au basket dans un monde fantastique avec la star actuelle du basket LeBron James, un mélange d'animation et de prises de vue réelles, et des séquences comiques. Malgré les critiques mitigées, le film a rempli son rôle de divertissement familial. À titre personnel, je me suis amusé sur ce projet, tout comme mon collègue Bob. C'est toujours gratifiant de contribuer à la traduction de films, même si ce ne sont pas toujours des chefs-d'œuvre cinématographiques. Quoi qu’il en soit, nous croyons tous les deux en l'importance de tenter notre chance et de saisir les opportunités qui se présentent.

Rencontre avec Éléonore Boudault

Lauréate du Prix de l’adaptation en sous-titrage d’un film non anglophone

Éléonore Boudault et ses colauréats de l'adaptation en sous-titrage, Lucinda Treutenaere et Emmanuel Menouna Ekani

Vous avez reçu un Prix ATAA pour l’adaptation en sous-titrage d’un film argentin, alors que vous n’avez que trois ans d’expérience dans l’adaptation. Cela doit être très valorisant ?

Oui, j’étais tellement contente ! D’autant que j'ai adoré travailler sur Le Braquage du siècle. Ce film est non seulement drôle, mais aussi admirablement réalisé et écrit. Sans vouloir minimiser mon travail, on peut dire que des dialogues amusants, rythmés et fluides facilitent grandement le processus de traduction. Lorsque tout coule naturellement, on peut se laisser porter par le film, ce qui rend le travail plus agréable et plus efficace. Or, ce n’est pas toujours le cas… Par exemple, l’anglais peut poser des défis que je ne retrouve pas en espagnol ou en portugais. La plasticité de l’anglais nous confronte parfois à des inventions de verbes – créés à partir de substantifs –, à des raccourcis ou à des pirouettes linguistiques difficiles à traduire en français car notre langue se veut précise et nette. Dans ces cas, nous devons clarifier les choses et aller droit au but.

Crédit photo : Rémi Poulverel

Rencontre avec Sabine de Andria

Membre du comité d’organisation des Prix ATAA

Autrice de sous-titres

Sabine de Andria, lors de la cérémonie 2023

Dans quel contexte les prix ATAA ont-ils été créés ? Qu'est-ce qui a motivé leur création ?

L'ATAA a été créée en 2006. Très rapidement, nous avons eu l'idée d’organiser un événement qui donnerait de la visibilité à l'association. Notre objectif principal était de faire connaître nos métiers et d'exister auprès de la presse, des institutions, de nos partenaires et de nos clients. Nous voulions sortir de l'ombre les auteurs de doublage, de sous-titrage et de voice-over ; montrer que c'était un métier à part entière et prouver que nous exercions tous le même métier, celui d'adaptateur, même si nous travaillions dans des univers différents et dans des conditions différentes.

Le deuxième objectif était d'établir une communication directe entre les auteurs et leurs clients finaux. Nous voulions encourager un dialogue ouvert – l'une des principales missions de l'ATAA – avec les commanditaires, les institutions, etc. Le fait que la cérémonie des Prix se déroule à la Sacem et celle des Prix documentaires à la Scam a par exemple, contribué à cette visibilité et permis de faire entendre la voix des adaptateurs.

Enfin, comme l'a souligné Anaïs Duchet, qui était alors présidente de l’association, nous espérions aussi rassembler toute la profession dans un esprit positif lors d’un événement festif. Une manière de faire exister l’ATAA dans un contexte autre que l’action revendicative ; et d’encourager les bonnes pratiques en mettant en lumière des adaptations de qualité ainsi que leurs auteurs.

Rencontre avec Florian Etcheverry

Membre du jury de l’adaptation en sous-titrage 2023

Lori Rault, Cécile Denise, Rachèl Guillarme, Quentin Rambaud, Florian Etcheverry et Florence Curet pour le jury, Emmanuel Menouna Ekani, Lucinda Treutenaere et Éléonore Boudault pour les lauréat·es

Vous êtes critique de cinéma indépendant pour Les Écrans terribles. Comment s’est déroulé votre travail de juré pour les Prix ATAA ?

Au sein du jury, j'étais le seul professionnel non spécialisé dans le domaine du sous-titrage. Aussi, mon rôle s’apparentait à celui d'un consultant : je portais davantage attention à la qualité de la restitution et à l’expérience artistique qu'aux critères techniques, qui étaient discutés par les autres membres du jury. Dans ce domaine, je leur faisais entièrement confiance. De mon côté, j’ai apporté mon expertise et ma sensibilité. Je regarde énormément de films et de séries en VOST, et même si je parle couramment anglais, j'accorde une grande importance à la qualité des sous-titres. Ils sont essentiels à la restitution d’un programme. Mais leur qualité ne va pas de soi, souvent j’observe que les sous-titres me font sortir de l'histoire...