Isabelle Brulant, traductrice (lauréate du Prix documentaires 2024)
Cristina Fernandez, traductrice (finaliste du Prix documentaires 2024)
Pauline Lelièvre, traductrice et directrice artistique
Cécile Piot, responsable accessibilité chez Vectracom
Lola Wagner, traductrice (mention spéciale du Prix documentaires 2024)
- Que vous a apporté cette expérience de jurée ?
Lola Wagner : C’était tellement intéressant ! J’ai eu l’impression de retourner à l’école et de travailler sur des études de cas. L’accès à la VO nous a donné l’occasion de comparer différentes techniques de traduction. J’ai été profondément impressionnée par une adaptation en compétition, dont le texte – entièrement réécrit – était devenu si fluide et imprégné de la patte de l’autrice. Depuis, je me sens moins frileuse à l’idée d’adopter cette technique qui consiste à s’éloigner du texte source, et à ne garder que le contenu factuel pour réécrire des passages qui l’exigent. C’est une approche que je m’étais toujours interdite, de crainte que mes clients me reprochent de ne pas respecter la VO. Mais, n’est-il pas plus intéressant de donner une identité au texte ? Selon moi, c’est ce qui peut faire la différence ou le tri entre les meilleur.es auteurices et les autres : la personnalité et le ton donnés à une traduction. Or, ce n’est pas à la portée de toustes. Je suppose que certain.es adaptateurices de fiction sont reconnaissables à leur style, et qu’iels sont justement recherché.es pour cette qualité…
Pauline Lelièvre : L’exercice de jurée m’a fait me remettre en question. En tant que DA, je vois passer beaucoup de textes, mais je ne les étudie pas, ni ne scrute les détails. En tant que jurées, nous avons dû travailler sur la démarche d’écriture, nous interroger sur la meilleure manière de traduire certaines phrases et sur les choix de certaines formulations. Désormais, je pose un œil différent sur les textes. Cela va influencer mon activité de directrice artistique.
Cristina Fernandez : Personnellement, cela m’a donné l’occasion de prendre du recul. Je traduis depuis maintenant 18 ans, pourtant l’exercice de jurée m’a fait me rendre compte d'une autre manière combien l’adaptation s’avère un travail difficile, une discipline ardue. J’ai ressenti de l’empathie pour le travail de mes collègues, et peut-être pour moi-même. Notre métier, passionnant et fascinant, requiert une grande exigence pour rendre la beauté et la poésie à un texte traduit. En voice over, notamment, il faut vraiment respecter le rythme de la langue de la VO, travailler le phrasé et la mélodie d’un texte.
Cécile Piot : Être jurée a été une expérience extraordinaire, intellectuellement beaucoup plus compliquée que ce que j’avais imaginé. Quel enrichissement d’échanger avec des professionnelles qui n’ont pas les mêmes références que moi ! Aujourd’hui, je ressens encore plus d’humilité et de respect pour le talent de mes co-jurées et des adaptateurices en compétition. De par mon métier, j’ai surtout porté mon attention sur la version française. Mon anglais n’est pas assez pointu pour juger chaque détail et je n’ai pas la prétention de saisir chaque formule idiomatique, alors que mes co-jurées étaient des killeuses d’une précision extraordinaire : sur 840 sous-titres, elles étaient capables de détecter la moindre coquille, ou erreur d’accord, sans parler évidemment des approximations et des contresens. Pour les programmes non anglophones, le comité de sélection a fait un gros travail de vérification en amont et je m’assurais principalement que l’ensemble du documentaire était compréhensible.
- Si vous postuliez au Prix de l'ATAA, quel documentaire proposeriez-vous ?
Pauline Lelièvre : Je présenterais un programme dont je suis fière, à la thématique intéressante et auquel j’aurais pu donner une voix, un ton et ma patte personnelle. En bref, un programme sur lequel on sentirait mon empreinte. Ou bien je choisirais un programme dont la VO est catastrophique, comme ce documentaire sur le Titanic que j’avais entièrement dû réécrire en raison d’intervenants peu habitués aux interviews, commençant des phrases sans jamais les finir, et totalement confus… J’avais repris l’ensemble des informations du programme et tout réorganisé afin de rendre le contenu compréhensible.
- En quoi l’adaptation de Marielle Lemarchand, lauréate 2025, s’est-elle distinguée ?
Isabelle Brulant : Le documentaire traduit par Marielle a été visionné parmi les tout derniers programmes en compétition. Pour nous, cela a sonné comme une évidence. Son travail était parfait de bout en bout. Il faut avoir conscience que nous devions départager des professionnel.les de haute volée. Pour faire un choix, nous avons décortiqué chaque détail, traqué la plus minuscule erreur… Le choix n’a pas été facile.
Lola Wagner : C’est vrai, nous avons cherché la petite bête et chipoté sur tout. Pourtant, il n’y avait rien à redire. Personnellement, j’ai adoré du début à la fin ! Le texte de Marielle était bien documenté et fluide. Elle a même su rendre compréhensible l’intervention d’un chercheur qui baragouinait de l’anglais.
Cécile Piot : Au sein du jury, il n’y a jamais eu d’unanimité sur aucun sujet : nos débats ont été passionnés et passionnants. Mais l’adaptation de Marielle était tout simplement la meilleure. En parallèle des passages très scientifiques qui nécessitaient un vocabulaire précis, il y avait des moments d’émotion entre la joie d’une découverte et la consternation de mettre au jour une famille écrasée par l’effondrement de son toit. Avons-nous eu la sensation d’être plongés dans l’histoire ? Avons-nous eu le sentiment de faire partie de cette équipe d’archéologues ? La réponse est oui !
Cristina Fernandez : L’ensevelissement de Pompéi est en effet une tragédie. Dans le documentaire, les archéologues cherchent des vestiges et retrouvent des squelettes. Marielle a su adapter le texte avec sensibilité et tact. Selon moi, elle a traduit avec son cœur. C’était touchant. J’avais une sensation de facilité, de fluidité et d’une parfaite maîtrise de la langue. Rien ne donnait l’impression d’une traduction. Pour nous traducteurices, il n’existe pas de plus beau compliment.
- Les deux autres documentaires finalistes semblaient plus complexes que Pompéi, ses nouveaux secrets (Arte). Quelles étaient leurs qualités ?
Pauline Lelièvre : Je ne pense pas que la complexité d’un programme, par exemple très scientifique dont la difficulté est d’être compréhensible, donne davantage de crédit à l’auteurice. Un programme peu technique relève d’un autre défi : insuffler une force au texte, éviter qu’il soit plat. Pour moi, cela représente une difficulté égale. Aussi, Pompéi n’a rien à envier aux deux autres documentaires finalistes, par ailleurs très méritants pour la justesse de leur ton, adapté à chacun des programmes. Au travers du texte, nous sentions la musicalité de chacun des artistes.
Cristina Fernandez : En effet, le documentaire Luigi Nono, le son de l’utopie, adapté par Laurence Dupin, relevait d’une autre complexité. Il fallait s’accrocher ! C’était un travail davantage technique. Je ne pouvais pas juger des langues sources, sachant que je ne parle ni allemand ni italien, mais j’ai admiré la version française composée de très belles tournures. Dans le documentaire Miúcha, la voix de la bossa nova, adapté par Danielle Marques, le texte collait à la voix de cette chanteuse brésilienne : aussi lumineux et sensible que l’artiste. J’ai aussi adoré le sous-titrage à la fois léger et dynamique, ainsi que le choix d’adapter ou non certaines chansons.
Lola Wagner : Je suis d’accord : le programme sur Luigi Nono n’était pas un sujet facile, même sans parler de sa musique inécoutable. La complexité venait du mélange de sous-titres et de voice over, d’allemand et d’anglais, ainsi que des termes de musicologie. En tant que seule germanophone du jury, j’avoue que j’étais à l’affût du moindre détail. Mais certaines notions s’avéraient très abstraites. J’ai souvenir de ce chef d’orchestre expliquant aux musiciens son intention pour l’interprétation d’une partition : quel défi pour comprendre et traduire ! Ce programme aurait probablement été impossible à adapter pour une personne ignorant tout du monde de la musique ou ne jouant d’aucun instrument. Le documentaire sur Miúcha, multilingue également, relevait aussi d’une promesse technique. Son adaptation a su capter l’essence du personnage. Ce n’était jamais plat.
- Les trois programmes finalistes sont des documentaires diffusés par Arte. Que faut-il en déduire ?
Lola Wagner : Cela tient du hasard si les trois documentaires finalistes avaient pour diffuseur Arte. Pompéi aurait tout aussi bien pu être un programme National Geographic, je n’aurais pas vu la différence. Néanmoins, c’est probablement le signe de bonnes conditions de travail.
Cristina Fernandez : Pour moi, ce n’est pas une surprise. Même s’il y a des différences de tarifs flagrantes entre les programmes proposés pour Arte Web et ceux destinés à l'antenne, les conditions de travail y restent correctes. La qualité se remarque et on fait très franchement la différence entre un programme qui a été relu et un autre qui ne l’a pas été (comme souvent sur certaines plateformes).
Isabelle Brulant : Je suis d’accord : ce tiercé Arte tient au fait que les conditions de travail y sont meilleures. Il me semble aussi que les candidats proposent en priorité des documentaires Arte car leurs thématiques s’avèrent souvent plus complexes. Il s’agit de sujets de niche qui en jettent.
Pauline Lelièvre : C’est aussi mon avis : cela est révélateur d’un biais de la part des auteurices qui considèrent les programmes Arte comme nécessairement qualitatifs. Ils sont perçus comme le Graal. Or, le jury ne se base absolument pas sur le contenu pour juger une traduction.
Cécile Piot : Moi, j’ai envie de dire : CQFD ! Force est de constater que le résultat est meilleur lorsqu’un client donne davantage de temps et de moyens à ses auteurices. Le problème de la qualité devient tangible pour tous les diffuseurs qui ne font plus de vérifications. Or, nous entrons dans une ère où la qualité importe moins. Depuis les 20 dernières années, nous assistons à une explosion technique et à une révolution en matière de diffusion entre Internet, les plateformes et les réseaux sociaux. Il y a une course au contenu, toujours plus et plus vite. La qualité est devenue une victime collatérale. Sans l’assise d’une chaîne publique, les diffuseurs – et les labos – n’ont qu’une obsession : les chiffres. D’un autre côté, je vais me faire l’avocat du diable : quand je vois les gens regarder les contenus en accéléré dans le métro, je me demande s’il faut continuer à se donner autant de peine ? Faut-il continuer à rechercher la labiale parfaite, ou le synonyme à cinq caractères au lieu de sept ?
- Dans l’écosystème de la traduction, pourquoi la voice over semble-t-elle déconsidérée ?
Lola Wagner : Je ne sais pas ce que pensent les auteurs de fiction de la voice over et de nous. Est-ce qu’ils nous voient vraiment comme des nuls ?
Pauline Lelièvre : Il est vrai que la voice over était dénigrée. Personne ne voulait en faire. Mais ce statut est en train de changer. Beaucoup de traducteurs et de DA commencent à s’y intéresser, faute d’autres projets. Quoi qu’il en soit, la voice over est une technique à part entière. Cela demande du travail sur la poésie et sur le rythme, pour faire passer des pavés d’explication. C’est un travail exigeant. Même pour les comédiens, cela se joue très différemment d’un doublage synchro : il y a moins de jeu, il faut du recul, poser davantage sa voix...
Isabelle Brulant : Pour les labos, la production d’une voice over se fait toujours à perte. Cela est perçu comme une prestation technique. Seul le doublage syncho a une réelle aura dans notre secteur. C’est pour cette raison que beaucoup d’adaptations en voice over sont réalisées à l’étranger. Pris de haut par les labos, les DA et les comédiens, ce genre est placé tout en bas de la hiérarchie car l’exercice est jugé facile. Certains refusent catégoriquement de travailler sur de la voice over. Cependant, lors de la cérémonie, j’ai été heureuse de voir que les traductrices finalistes aimaient véritablement le documentaire et que ce n’était pas un pis-aller pour elles.
Cristina Fernandez : J’ai l’impression que la voice over est parfois considérée comme ce cousin que l’on n’ose pas montrer. Pourtant, en documentaire, il ne faut pas se louper. Il faut effectuer des recherches pointues et être exact dans la transmission de l’information. D’autant que les documentaires s’avèrent toujours très bavards et très prenants. C’est dommage que cela ne soit pas mis sur le même plan que la fiction.
- Avec Marion Chesné, vous avez mené une enquête sur l’évolution de la rémunération en voice over depuis 2000. Comment s’est constitué ce collectif ?
Pauline Lelièvre : Le collectif s’est monté car nous étions las.ses des tarifs bas. À 10€/minute (moins que le Smic), cela n’est ni viable, ni à la hauteur de notre expertise. Lorsque nous avons tenté de renégocier nos rémunérations auprès des labos et des diffuseurs, on nous a claqué la porte au nez. Chacun se renvoyait la balle et rejetait la responsabilité des tarifs bas sur l’autre. Par exemple, M6 nous a affirmé qu’ils proposaient des tarifs supérieurs pour un documentaire pointu – par exemple sur la physique quantique – comparativement à un programme contemplatif. Pourtant, je peux affirmer que les labos, eux, ne font aucune différence. Mais qui dit vrai ? C’est pour cette raison que nous avons décidé de lancer un recensement auprès des adaptateurices. Le sondage a été réalisé en février et il a fallu plusieurs mois pour trier les données et les mettre en forme. Pour nous, la prochaine étape est de reprendre contact avec les labos pour renégocier les tarifs, données à l’appui.
Isabelle Brulant : En effet, cette enquête nous a permis de prouver que les rémunérations s’étaient effondrées, et aussi de visualiser dans quelle mesure. Bien que les tarifs les plus bas aient légèrement augmenté, les plus hauts ont baissé de manière drastique. L’évolution a été sournoise : cela est passé presque inaperçu. Le forfait s’avère notamment une rémunération injuste car elle ne s’appuie sur aucun critère de volume. Et si un forfait se trouve être bien payé, cela relève surtout du coup de chance. Il est bien rare que cela soit à notre avantage.
- L’intelligence artificielle bouleverse tous les métiers. Quel impact a-t-elle sur votre pratique professionnelle ?
Isabelle Brulant : À titre personnel, ma conscience professionnelle me retient d’utiliser l’IA. Cela reviendrait à couper la branche sur laquelle nous sommes assis. Sauf à lui confier des tâches répétitives et rébarbatives, ou pour des recherches de glossaire. Certains labos estiment que les seules issues pour les auteurices seraient de devenir expert.es dans la rédaction de prompts ou de se spécialiser dans la traduction ultra haut de gamme pour des programmes « luxe ». Une certitude : les projets tarissent, car les diffuseurs disposent désormais d’un fonds de catalogue suffisant pour leurs abonnés, public captif.
Lors d'une réunion avec l'ATAA, TransPerfect, qui vient de racheter EVA, a déclaré que le travail de traduction allait disparaître et que d’ici cinq ans, il n'y aurait plus rien. Aujourd’hui, nous nous sentons comme cet orchestre qui continue à jouer alors que le Titanic est en train de couler. Il faut savoir que le projet Arte GEIE (Groupement Européen d'Intérêt Économique), traduit en 6 langues utilise aujourd’hui 25 % d’IA pour ses adaptations, et que l’objectif est d’atteindre 50 % d’ici fin 2026, car ses financements européens sont conditionnés à l’utilisation de l’intelligence artificielle. Alors comment lutter ? C’est totalement schizophrène. Et, échanger ouvertement avec les labos sur la question de l’utilisation de l’IA ne mènerait peut-être nulle part car ce qui nous fait gagner du temps n’est pas ce qui leur fait gagner de l’argent. Néanmoins, l’IA ne restera pas gratuite pour toujours. Chose que les laboratoires ne réalisent pas encore.
Cécile Piot : Que TransPerfect prédise la disparition des traducteurices ne me surprend pas. L’intelligence artificielle est à la base de leur métier. Désormais, le loup est entré dans la bergerie… Mais, si j’étais traductrice, je testerais l’IA afin d’évaluer le gain de temps. En 2025, on ne peut pas se mettre la tête dans un trou en ignorant cette évolution technologique. Sinon, les autres partent devant... Il faut vivre avec son temps et accepter que des métiers disparaîtront : nous sommes tous dans le même bateau qui prend l’eau. Dans mon poste actuel, je m’occupe d’accessibilité, SME et audiodescription. Aujourd’hui, je n’utilise pas l’IA, mais c’est une question de mois, voire de semaines. En interne, nous menons évidemment des expériences pour tester ses capacités. D’autant que certains clients n’ont aucune considération pour la qualité, seul le tarif les intéresse. En parallèle, je m’interroge : même si l’IA nous tue tous, n’est-ce pas également un extraordinaire outil d’accessibilité ? À son époque aussi, Gutenberg avait été décrié car on considérait dangereux que les livres pénètrent dans chaque foyer. À ce jour, certains diffuseurs sélectionnent quels programmes bénéficieront d’une audiodescription ou d’un sous-titrage pour sourds et malentendants. Mais de quel droit jugent-ils qu’un programme vaut mieux qu’un autre ? Avec l’IA, il sera désormais possible de diffuser auprès de tous les publics et d’accéder à tous les programmes. De mon point de vue, mieux vaut une extra culture qu’une cancel culture. Mais une question demeure : quand les diffuseurs utiliseront l’IA pour le doublage et le sous-titrage (au sens large), que deviendront les labos ?
- D’ici que les labos perdent leur rôle d’intermédiaires entre les diffuseurs et les adaptateurices, l’IA ne pourrait-elle pas être utile dans vos métiers, par exemple pour les tâches non rémunérées ?
Lola Wagner : Moi, je m’en sers déjà pour rédiger les guides de prononciation à destination des comédiens. Sur mes instructions, ChatGPT retranscrit en « phonétique » mes listes de mots et de noms. Peut-être que cela ne me fait gagner que 15 minutes, mais c’est parfait pour ce type de travail. Concernant les droits d’auteur, j’ai aussi testé l’IA pour repérer plus facilement l’ensemble des diffusions de mes programmes dont certains tournent depuis 15 ans, changent de titres, ou sont rediffusés sur des chaînes auxquelles je ne m’attends pas. Les résultats semblent probants, même si je ne fais pas encore suffisamment confiance à cet outil. Je préfère tout vérifier scrupuleusement. Mais à terme, cela pourrait représenter un gain de temps significatif pour mes déclarations à la Scam, et également dans la vérification de mes relevés de droits comptant fréquemment une centaine de pages et une multitude de paiements à 0,30 euros par diffusion.
Cristina Fernandez : Dans une démarche éclairée, l’intelligence artificielle peut aussi être utile pour nos recherches documentaires (au même titre que Google) ou pour toutes les tâches qui relèvent d’un travail technique. Par exemple, on pourrait utiliser ChatGPT pour remettre en forme certains scripts afin de les rendre compatibles avec nos logiciels, tâche fastidieuse et chronophage si elle est faite à la main. Dans ce cas, on se libère du temps pour se consacrer à la traduction. Cependant, l’intelligence artificielle ne permet certainement pas d’insuffler du vivant ou du réel à une traduction ou à une voix. On nous présente les voix produites par IA comme parfaites, seulement le résultat perd de sa saveur. Bien sûr que le texte est fluide, qu’il n’y a aucune hésitation. Mais selon moi, les imperfections aussi ont leur intérêt.
Pauline Lelièvre : Oui, il suffit de se souvenir du scandale autour du clonage de la voix du comédien Alain Dorval décédé en 2024, pour le doublage des nouveaux films de Sylvester Stallone. Les résultats étaient catastrophiques. Même chose pour la post-édition où la révision prend autant de temps qu’une traduction ex nihilo. Avec l’IA, il manquera toujours la poésie, la justesse des termes techniques et même le naturel. Et n’oublions pas que 82 % des Français regardent la version française des programmes ; ils sont attachés à la qualité des adaptations. Cela fait partie de notre culture : selon moi, le public n’est pas prêt à y renoncer. Quoi qu’il en soit, je me refuse à utiliser l’IA, que ce soit pour des tâches rémunérées ou non. Même un résumé d’épisode ou la traduction d’un générique technique ne peuvent être délégués à une intelligence artificielle. Selon moi, nous sommes loin de voir l’IA réussir mieux que nous. Sans parler du fait que l’IA peut être un gouffre financier : il n’y a qu’à compter le nombre d’entreprises en intelligence artificielle qui ont déjà fait faillite… Personnellement, j’envisage l’avenir sous un jour plutôt positif.
Crédit photo : Brett Walsh
