Une harmonisation harmonieuse

Nous attendons de nos clients qu’ils respectent notre droit moral. Et entre nous ?

Souvent, nos clients, ou les labos à qui ils délèguent la supervision des adaptations, nous demandent une harmonisation entre version sous-titrée et version doublée. Idéalement, les équipes travaillent conjointement, partagent une bible, et si elles en ont le droit, décident ou non de s’échanger leurs textes. Mais parfois, la communication ne se passe pas aussi bien, soit parce que les calendriers sont trop décalés, soit parce que des auteurices rechignent, soit encore parce que nous ne sommes pas mis en contact par les intermédiaires.

Le pire cas de figure est quand l’intermédiaire se donne le droit d’envoyer les textes des auteurices d’une version à celleux de l’autre, sans même les en avertir. J’ai été dans cette position de recevoir un texte de doublage dont on me demandait de reprendre certains points essentiels. Je ne connaissais pas l’autrice personnellement, je savais seulement qu’elle avait fini son travail d’adaptation. Comme j’avais aussi fini le mien, je voyais cela comme une simple relecture d’harmonisation, à la demande du client. Alors j’avoue, je ne me suis pas posé plus de questions. J’aurais dû.

L’autrice m’a appelée quelque temps après pour savoir si j’avais eu son texte. Il s’avère que personne ne l’avait prévenue avant de me l’envoyer. Elle m’a demandé pourquoi je ne l’avais pas contactée pour savoir si elle avait donné son accord et, franchement, je n’avais pas de réponse. En effet, ça aurait dû être mon premier réflexe !

J’ai aussi été dans la position inverse, quand mes sous-titres ont été envoyés à mon insu à des auteurs de doublage – mes binômes et moi ne l’avons appris que lorsqu’ils nous ont remerciées parce que ça leur avait bien mâché le travail ! Nous avons sûrement tous et toutes été confronté.es à ce genre de situation. Certes, nous ne faisons que suivre les consignes du client, mais ça ne nous dégage pas, ni lui ni nous, du respect du droit moral des auteurices dont les textes sont partagés sans permission.

C’est encore plus vrai si l’on nous demande de reprendre des passages entiers, qu’ils soient sous-titrés ou doublés (chansons, langues tierces, etc.), ou a fortiori de remanier un texte signé. Si les intermédiaires ne s’en chargent pas, à nous de prendre contact avec les auteurices, afin de nous assurer leur accord et de discuter en bonne entente. Et cela va sans dire, si le travail est partagé, il convient alors de co-signer, tout comme dans le cas de pré-traductions, sans lesquelles notre travail d’adaptation serait impossible.

En signant le code de déontologie de l’ATAA au moment de la réadhésion cette année, nous nous sommes engagé·es à ne pas nuire à nos consœurs et confrères. La moindre des choses est de respecter leur droit moral, et en premier lieu de demander à nos clients de ne pas partager nos textes à notre insu.

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