On arrête quand le foutage de gueule ?

La place de l'auteur dans l'audiovisuel est pour le moins ingrate et les traductrices et traducteurs spécialisé·es en doublage, sous-titrage et voice over font les frais d'un nombre incalculable de crasses au cours de leur carrière.

Procédons à quelques rappels de base, liste non exhaustive.

Rappelons le principe de base qui régit la relation commerciale entre un auteur et son client (prestataire technique, producteur, diffuseur...) : l’auteur n’est PAS un salarié, ni un employé à qui l’on impose des conditions, c’est un INDÉPENDANT avec qui on négocie.

  • Lui imposer un tarif : NON

L'auteur est un indépendant et en tant que tel, c’est à lui de fixer son tarif. Qui entre dans une boulangerie et balance à la figure de l'artisan-boulanger une pièce de 50 centimes pour lui acheter une tartelette à la framboise ?

  • Lui imposer un tarif sorti de derrière les fagots ou qui correspond à ce qui se pratiquait il y a 15 ou 20 ans : NON

Un auteur est souvent diplômé Bac+5 et doit faire des recherches dans plein de domaines différents, en plus de mettre son talent d’écriture au service de l’œuvre qu'on lui confie. Le savoir, l’expérience, le temps, ça se paie. Sans compter le coût de la vie qui augmente…

  • Rémunérer un travail qui doit être fait en urgence, le weekend, dans de mauvaises conditions (sans script, etc.) sans revalorisation : NON

L’auteur peut accepter de dépanner son client, mais quand les conditions professionnelles ne sont pas réunies, il faut payer plus, c’est NOR-MAL !

  • Lui imposer la détection en doublage : NON

L’auteur n’est pas (forcément) technicien.

  • Lui payer la détection, ou toute autre tâche technique, en droits d’auteur : ILLÉGAL

La détection est une tâche technique qui doit être rémunérée en salaires. Vouloir s’éviter de payer des cotisations plus élevées sur le salaire que sur le droit d’auteur, ça porte un nom : c’est de la FRAUDE.

  • Lui imposer de venir travailler sur place à des horaires donnés : ILLÉGAL

L’auteur n’est pas salarié de l’entreprise, il travaille selon les horaires qui lui sont propres.

  • Le payer hors délais légaux : ILLÉGAL

L’auteur rend son travail en temps et en heure, pourquoi ne serait-il pas payé en temps et en heure ?

  • Ne pas payer les pénalités de retard de paiement : ILLÉGAL

La loi s’applique à tous. Vous avez failli de payer en temps et en heure votre auteur, vous assumez les pénalités.

  • Augmenter légèrement le tarif Adaptation pour y inclure la détection : NON

Et pourquoi pas un Mars, en plus ?

  • Retirer le générique du minutage de l’œuvre : NON

L’auteur passe sur toute l’œuvre, en intégralité. Si vous ne voulez payer que les dialogues en doublage, payez-nous à la ligne non dégressive. Chiche ! On rappelle que l’unité qui représente au plus près le travail de l’auteur, c’est : le sous-titre (pour le sous-titrage), le feuillet (pour le voice over) et la ligne (pour le doublage). La minute n’est pas la bonne valeur de calcul, une minute de programme pouvant être très contemplative ou très bavarde.

  • Travailler sans contrat : ILLÉGAL

Un contrat définit le cadre de la relation commerciale et sert de garantie pour les deux parties. Un travail sans contrat est bénéfique à l’auteur.

  • Exiger le remplissage de tableau de métadonnées, de traduire une ribambelle de résumés (longs, moyens, courts, avec contrainte de nombre de caractères, etc.), des glossaires en disant que c’est compris dans le tarif Adaptation : NON

Vous voulez qu'on vienne faire le ménage en studio aussi, pendant qu'on y est ? On ne mélange pas les torchons et les serviettes : un tarif à la minute ne peut pas comprendre des documents dont la base n’est pas le minutage.

  • Mettre des semaines à envoyer l'attestation d’adaptation : NON

Encore une fois, l’auteur a rendu son travail en temps et en heure, dès le rendu, l’envoi de l’attestation doit être AU-TO-MA-TI-QUE !

  • Le convoquer à une vérification gratuitement, alors que le directeur artistique, lui, est payé : NON

L’auteur passe sa journée à lire les répliques en place, à retravailler son texte, à être force de proposition et dans la salle, il est le seul à ne pas être payé. Cherchez l’erreur. Et pourquoi ce travail serait aussi compris dans le tarif Adaptation ? Pareil, torchons, serviettes, tout ça, tout ça...

  • Avancer la date de rendu parce qu’un comédien part en vacances : NON

On s’est engagé sur un planning dès le départ, il n’a pas à être modifié en cours de route. Et on rappelle qu’on écrit du dialogue (= partage de la parole), nous demander d’écrire seulement les répliques de tel personnage n’a aucun sens puisqu’une réplique est rarement prise isolément. Elle s’inscrit dans un flux, avec des informations qui précèdent et d’autres qui suivent. Le comédien avait le planning dès qu’il a accepté le projet, son envie d’aller se faire dorer la pilule au soleil n’a pas à obliger l’auteur à avancer sa date de rendu. Le comédien qui désorganise tout n’a qu’à reculer ses vacances ou lâcher le rôle, après tout.

  • Modifier le texte sans l'accord de l'auteur : NON

Les textes de doublage ou de voice over, et les sous-titres, sont protégés par le code de la propriété intellectuelle. De ce fait, les modifier sans en informer l'auteur, c'est une atteinte au droit moral.

  • Effacer la signature d'un sous-titre ou ne pas faire figurer le nom de l'auteur sur le carton de doublage : ILLÉGAL

Sauf à la demande expresse de l'auteur, la signature doit figurer sur l'œuvre. Là encore, c'est son droit moral.

Depuis toujours, les auteurices de doublage, sous-titrage et voice over se sont montrés flexibles, conciliant·es et peuvent se plier en quatre pour faire leur travail et répondre aux exigences de plus en plus folles de la chaîne économique de l’audiovisuel, quand des circonstances exceptionnelles l’exigent, mais ils n’ont pas à être les dindons de la farce ni les paillassons sur lesquels tout le monde s’essuie. Tout travail, quel qu’il soit, mérite rémunération. Si l’auteur, de lui-même, veut faire une fleur à son client et lui offrir telle ou telle prestation, c’est son droit, mais ça doit venir de lui, pas dans l’autre sens, et encore moins quand il y a du chantage (plus de travail à venir, plus gros projet, etc.).

Depuis un certain temps maintenant, on assiste à une guerre des prestataires techniques qui se tirent tous la bourre, toujours à tirer les devis vers le bas et où le seul mot d'ordre, souvent aussi de la part des clients finaux, est de faire des économies. Et l'auteur est la variable d'ajustement, toujours, tout le temps. Et quand on demande notre dû, on a l'impression de passer pour le chieur de service. C’est si difficile de travailler dans le RESPECT de chacun et de ne pas s’écraser les uns les autres pour faire des économies de bout de chandelle ? Parce que oui, les économies faites sur le dos des auteurs sont toujours dérisoires, quand on voit le budget global.

Aux clients : travailler en bonne intelligence avec vos auteurs et RESPECTEZ-LES ! Ayez la décence de dire la vérité à vos auteurs plutôt que d'enrober les mauvaises conditions que vous proposez dans des mensonges éhontés.

Aux auteurs : arrêtez de vous faire marcher dessus. Le rapport de force n’a pas à être à notre désavantage. Dénoncez les pratiques sauvages et illégales à l’URSSAF et aux autorités compétentes. Ne restez pas isolés, serrez-vous les coudes et rejoignez les organisations professionnelles.

Pour rappel :

Ceci est un paillasson, pas un être humain
Ceci est un dindon, pas un être humain

Les tarifs et délais minimums recommandés par les groupements d'auteurices sont disponibles ici.

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