Journaldécembre 2025

Vie de l'ATAA
03/12Portes ouvertes

Marielle Lemarchand remporte le Prix de la traduction de documentaires audiovisuels 2025

Jeudi 6 novembre 2025, lors de sa cérémonie annuelle, le jury du Prix ATAA de la traduction de documentaires audiovisuels a récompensé Marielle Lemarchand pour son adaptation irréprochable de Pompéi, ses nouveaux secrets (Arte). Une récompense d’autant plus méritée que le Prix connaît pour sa 8ème édition, un succès inédit avec une cinquantaine de candidatures. La cérémonie, moment de rassemblement professionnel, a également été l’occasion pour le collectif voice-over de présenter les résultats de son enquête sur l’évolution des rémunérations depuis 2000. Mais avant cela, place à quelques chiffres positifs !

Cinquante documentaires, 12 diffuseurs, 17 labos, 2 938 minutes de visionnage ! Les organisatrices du Prix, Madeleine Lombard, Adrienne Golzio et Marie Bocquet se sont félicitées d’un tel succès. Cette année, les candidatures ont quasiment doublé. Faut-il y voir une réponse à l’injonction d’Isabelle Miller, vice-présidente de l’ATAA, encourageant les auteurices à mettre en valeur leur travail ? Ou à l’appel du comité d’organisation incitant les candidatures en documentaire sous-titré ? Toujours est-il que l’arrivée de HBO Max dans le paysage audiovisuel français a eu un effet amplificateur sur le nombre de programmes candidats… Grâce aux binômes de prévisionnage, la sélection s’est affinée afin de ne soumettre que 15 documentaires au jury, composé cette année d’Isabelle Brulant, traductrice (lauréate Prix documentaire 2024), Cristina Fernandez, traductrice (finaliste Prix documentaire 2024), Pauline Lelièvre, traductrice et directrice artistique, Cécile Piot, responsable accessibilité chez Vectracom, et de Lola Wagner, traductrice (mention spéciale Prix documentaire 2024).

Le jury : Cristina Fernandez, Cécile Piot, Pauline Lelièvre, Lola Wagner et Isabelle Brulant

Irréprochable ! C’est dans ces termes que ce même jury a salué l’adaptation de Marielle Lemarchand du documentaire Pompéi, ses nouveaux secrets, épisode 1 "Des corps et des vies". Plus naturelle que la VO, la version française a fait preuve d’une maîtrise totale et d’une grande créativité. Quand nécessaire, Marielle a su s’éloigner de l’original avec dextérité. Le texte technique – du fait des termes d’archéologie et de volcanologie – n’a pas fait obstacle à une narration vivante et poétique, laissant transparaître la personnalité des intervenants et la justesse de leurs émotions.

Finaliste, Laurence Dupin a livré une adaptation inspirée et vivante du documentaire Luigi Nono, le son de l’utopie (Arte), consacré à ce compositeur italien des années 50. Savant jonglage entre allemand et italien, entre sous-titrage et voice-over, le texte s’avère empreint de musicalité et de poésie. Il aura aussi fallu du talent pour retrouver les termes de musicologie, ainsi que certains poètes inconnus de l’Allemagne du XVIIe siècle ; et rendre tous ces propos avec rigueur et précision.

Sur un sujet tout aussi confidentiel, Danielle Marques s’est distinguée par sa traduction de Miúcha, la voix de la bossa nova (Arte), documentaire racontant la vie de la chanteuse compositrice brésilienne Heloísa Maria Buarque de Hollanda. Moment de pur bonheur, la version française de Danielle a su entraîner le spectateur dans ce programme à la fois artistique et psychédélique, et su faire entendre toute la rage et la détermination de cette femme décidée à exister dans un univers d’hommes à l’égo surdimensionné.

Laurence Dupin, Marielle Lemarchand et Danielle Marques

« Surdimensionné » serait bien impropre pour qualifier les rémunérations pratiquées en traduction voice-over. C’est la conclusion du collectif voice-over – constitué d’Isabelle Brulant, de Marion Chesné et de Pauline Lelièvre – qui après plusieurs mois d’enquête, a présenté un état des lieux des tarifs en voice-over. Leur volonté était de disposer de chiffres concrets sur l’évolution des rémunérations entre 2000 et 2025 auprès de 6 grands groupes de diffusion, à savoir Discovery, Canal, M6, TF1, RMC et Disney, et auprès des 27 labos prestataires [en 2025, seuls 17 existent toujours]. La conclusion s’avère sans appel : aujourd’hui, entre l’augmentation du coût de la vie et la baisse des rémunérations, les adaptateurices de voice-over doivent travailler deux fois plus pour se payer un plein de carburant. En outre, la profession connaît aujourd’hui des périodes d’inactivité de plus en plus fréquentes et des retards de paiement créant une grande instabilité financière ne permettant plus à beaucoup de vivre de leur activité. Le collectif recommande aujourd’hui de proscrire les rémunérations au forfait trop souvent défavorables, au profit du tarif à la minute et au feuillet, et de généraliser les avances, avec pour objectif de ne pas être réduits à une variable d’ajustement. Enfin, un débat est aujourd’hui lancé sur la possibilité de mettre en place un revenu de remplacement.

Présentation du collectif voice over
Le collectif voice over : Isabelle Brulant, Marion Chesné, Pauline Lelièvre

Sur une note plus optimiste, Franck Laplanche, directeur général adjoint de la Scam a annoncé qu’un accord venait d’être signé avec Apple TV, et que d’autres suivraient très probablement, tels que Paramount ou Universal. Et bien que les négociations avec les diffuseurs prennent du temps, les droits à percevoir demeurent rétroactifs, à l’instar de Netflix qui avait dû s’acquitter de 5 années d’arriérés. Et même si « scam » signifie « arnaque » en anglais, et que cette blague a tordu de rire les représentants de Meta lors d’une première rencontre, tous restent contraints de signer un accord1.

L’arrivée de la SVOD, comme celle des chaînes thématiques à leur époque, a constitué une révolution pour la profession dont les effets se font encore sentir. En 2024, sur les 758 traducteurs ayant perçu des droits, 337 avaient travaillé pour Netflix. Aujourd’hui, les droits versés par la Scam ont augmenté de 30 % lesquels proviennent des plateformes. La SVOD a également constitué une révolution pour la Scam, qui s’est retrouvée – de manière tout à fait inédite – à négocier avec ces grands acteurs internationaux. Aussi, la formule d’accueil de Rémi Lainé, ancien président de la Scam, s’avère plus que jamais appropriée : « Bienvenue chez vous ! »2

Franck Laplanche, directeur-général adjoint de la Scam

Crédit photo : Brett Walsh

Journalnovembre 2025

Prix ATAA
06/11Prix ATAA de l'adaptation de documentaire à la SCAM

Journaloctobre 2025

Institutions
23/10Rendez-vous ATAA - SCAM
Associations soeurs
20/10Réunion de l'AVTE
Vie de l'ATAA
18/10Point contact
Cinéma
17/10Participation à la table ronde L’I.A. pour le sous-titrage et le doublage des films de patrimoine, Marché International du Film Classique
Associations soeurs
13/10Rendez-vous avec la CST et la FICAM
Vie de l'ATAA
13/10Matin : réunion du conseil d'administration
Associations soeurs
06/10Réunion de l'AVTE
Associations soeurs
02/10Réunion du groupement audiovisuel au SNAC

On arrête quand le foutage de gueule ?

La place de l'auteur dans l'audiovisuel est pour le moins ingrate et les traductrices et traducteurs spécialisé·es en doublage, sous-titrage et voice over font les frais d'un nombre incalculable de crasses au cours de leur carrière.

Procédons à quelques rappels de base, liste non exhaustive.

Rappelons le principe de base qui régit la relation commerciale entre un auteur et son client (prestataire technique, producteur, diffuseur...) : l’auteur n’est PAS un salarié, ni un employé à qui l’on impose des conditions, c’est un INDÉPENDANT avec qui on négocie.

  • Lui imposer un tarif : NON

L'auteur est un indépendant et en tant que tel, c’est à lui de fixer son tarif. Qui entre dans une boulangerie et balance à la figure de l'artisan-boulanger une pièce de 50 centimes pour lui acheter une tartelette à la framboise ?

  • Lui imposer un tarif sorti de derrière les fagots ou qui correspond à ce qui se pratiquait il y a 15 ou 20 ans : NON

Un auteur est souvent diplômé Bac+5 et doit faire des recherches dans plein de domaines différents, en plus de mettre son talent d’écriture au service de l’œuvre qu'on lui confie. Le savoir, l’expérience, le temps, ça se paie. Sans compter le coût de la vie qui augmente…

  • Rémunérer un travail qui doit être fait en urgence, le weekend, dans de mauvaises conditions (sans script, etc.) sans revalorisation : NON

L’auteur peut accepter de dépanner son client, mais quand les conditions professionnelles ne sont pas réunies, il faut payer plus, c’est NOR-MAL !

Journalseptembre 2025

Relations avec les clients
29/09Rendez-vous avec Transperfect (Arte en six langues)
Associations soeurs
29/09Réunion de l'AVTE
Institutions
29/09Réunion de concertation dialogue social, ministère de la Culture
Associations soeurs
22/09Réunion de l'AVTE
Institutions
16/09Conseil d'administration et assemblée générale extraordinaire de la SSAA
Institutions
15/09Rendez-vous avec la SACEM
Associations soeurs
15/09Réunion de l'AVTE
Associations soeurs
08/09Réunion de rentrée intersyndicale
Vie de l'ATAA
01/09Réunion du conseil d'aministration

Un pluriel bien singulier

"Why are they awake?" demande l'enquêtrice. Nous sommes dans la série Flashforward (2009). La population de la planète entière a perdu connaissance au même instant pendant 2 minutes et 17 secondes. Dans le premier épisode, des agents scrutent des images de télésurveillance : lors du black-out collectif, une silhouette déambule dans les gradins d'un stade au milieu d'une foule de spectateurs inanimés. Les images sont de qualité médiocre, mais il est évident qu'il s'agit d'une seule personne. Alors, pourquoi l'actrice dit-elle "they" ? (1)

Cette réplique m'avait déjà interpellée lors du premier visionnage de cette série, revue un peu par hasard récemment. C'était la première fois que je remarquais un exemple flagrant de cet emploi du they singulier.

Contrairement à ce que pourraient croire les non-anglophones, l'emploi du they singulier n'est pas réservé aux personnes qui se choisissent un pronom non genré. Il est maintenant couramment utilisé quand on ignore le sexe de la personne dont on parle, ou lorsqu'on veut préserver le mystère sur son identité, ce qui est pratique dans le contexte d'énigmes policières.

Cet emploi généralisé devenu banal est assez récent pour que son apparition m'ait interpellée comme une nouveauté. D'ailleurs, ce they incongru et déstabilisant que l’on est tenté de traduire par un pluriel vous a peut-être dérouté. Ce fut mon cas. Et la question de dater cette apparition et la généralisation de son usage s'est donc logiquement posée. D'où l'initiation d'un processus de prise de notes et donc de vérification de dates, qui s'est engagé de façon un peu erratique au début et plus systématique ensuite. Je voulais en partager le résultat ici.

Rencontre avec Laure-Hélène Césari

Lauréate du Prix de l’adaptation en sous-titrage d’une série audiovisuelle

Vous avez reçu un prix ATAA pour l’adaptation de la série Brassic dont l’une des principales difficultés est le langage argotique. Avant la création d’Urban dictionary et d’autres outils en ligne, comment aurait-il été possible de traduire Brassic ?

Je pense qu’il aurait fallu un contact en Angleterre pour valider le sens de certaines phrases. D’autant que les personnages de Brassic bidouillent différentes expressions. Grâce à Urban dictionary, il est possible de retrouver des doubles, voire des triples sens. Ces personnages très vivants, qui parlent entre eux de manière codée, sont un véritable challenge à traduire, mais j’adore ça ! On vit vraiment avec eux. On est témoin de leur vie de tous les jours. J’aime aller chercher le terme le plus précis possible, sans que cela soit trop daté afin que la série puisse être regardée dans le temps, et sans perdre le spectateur en utilisant des expressions inconnues.

Peut-être qu’à une certaine époque, une telle série n’aurait jamais été diffusée à l’international. Il s’agit d’un programme atypique, pas du tout mainstream. Même aujourd’hui, peu de gens la connaissent autour de moi. Il faut dire que cette série déjantée à l’humour scatophile n’est pas très engageante de prime abord. Il faut s’y plonger. Avec Mona [Guirguis, co-lauréate du prix ATAA], nous en avons bavé sur la première saison. Il a fallu trouver nos marques. Personnellement, je me suis constitué un fichier Excel avec une série d’insultes, de petites phrases d’argot, ou d’expressions, qui reviennent souvent et pour lesquelles il faut varier les traductions. Il a fallu aller chercher des expressions françaises un peu détournées, mais tout aussi fleuries. De ce point de vue, le dictionnaire Bob est aussi extrêmement pratique.

Crédit photo : Brett Walsh

Rencontre avec Anne Fombeurre

Lauréate du Prix de l’adaptation en doublage d’un film d’animation

Vous avez reçu un prix ATAA pour les dialogues français de Marcel, le coquillage (avec ses chaussures), écrits en collaboration avec Abel-Antoine Vial. Comment avez-vous vécu ce moment ?

Le soir-même, je me suis sentie euphorique. Même si la vie quotidienne a vite repris le dessus, j’étais très heureuse de recevoir ce prix. En déclarant que le film semblait avoir été écrit en français, le jury nous a fait l’un des plus beaux compliments. Après la cérémonie, j’ai loué le film en VOD et ai regardé le début pour me replonger dans l’univers de ce petit personnage. J’espérais y retrouver le phrasé naturel et la sensation ressentie par les membres du jury.

Crédit photo : Brett Walsh

Rencontre avec Mona Guirguis

Lauréate du Prix de l’adaptation en sous-titrage d’une série audiovisuelle

Vous avez reçu le Prix ATAA pour l’adaptation de la saison 5 de Brassic dont vous avez traduit les 6 saisons avec Laure-Hélène Césari. Peut-on qualifier cette série de trash ?

En effet, cette série n’est pas à mettre entre toutes les mains. Brassic n’a aucune limite tant en termes d’images – on y voit du sang, des viscères, des morts qui explosent, etc. – que de vocabulaire. De prime abord, il s’agit d’un programme purement humoristique. On y suit les aventures de Vinnie et de sa bande de bras cassés. Bipolaire, il vit seul dans une caravane au milieu de la forêt, où il cultive du cannabis pour survivre. Lors d’une deuxième lecture, cette série s’avère plus profonde : on y découvre une fine observation des laissés-pour-compte de la société anglaise, une réflexion sur l’amitié, l’amour et l’humain en général. Les dialogues traitent également des traumas de l’enfance, des ravages de l’alcool, mais tout cela alors qu’un personnage a un bras enfoncé dans l’anus d’une vache…

Crédit photo : Brett Walsh

Rencontre avec Nadine Giraud

Prix de l’Extra bille 2025

Vous avez reçu l’Extra bille 2025 pour avoir mené des négociations auprès de Dubbing Brothers pour la revalorisation des rémunérations des auteurices de doublage. Pourtant, vous travaillez depuis toujours pour cette société de doublage qui est votre principal client.

Dans le milieu des année 90, j’ai connu le milieu du doublage grâce à une amie, elle-même adaptatrice. Et je dois effectivement beaucoup à Dubbing Brothers, où j’ai appris la détection, sous la supervision de détecteurices expérimenté·es. En tant qu’intermittente du spectacle, cette activité m’a permis de gagner ma vie et de me familiariser avec l’image et ce secteur d’activité. Après 2-3 années de détection, grâce aussi aux bonnes rencontres faites à Dubbing Brothers, j’ai pu mettre à profit ma formation d’anglais littéraire – et mon expérience de la traduction acquise au cours de mes études – en réalisant ma première adaptation en 1998. Les dessins animés Disney ont fait partie de mes toutes premières commandes. J’ai eu la chance de commencer par des programmes que l’on pourrait qualifier de « prestige ». C’était valorisant. À l’époque, les jeunes auteurices faisaient très généralement leurs armes sur des soaps, comme Les Feux de l’amour. Les enjeux y étaient moindres, et les comédiens de doublage compensaient, connaissant par cœur leur rôle.

Crédit photo : Brett Walsh

Rencontre avec Sabrina Boyer

Prix de l’Extra bille 2025

En créant le collectif d’auteurices de doublage, vous êtes devenue porte-parole – avec 5 autres confrères et consœurs – d’une centaine de professionnel·les. Avez-vous eu peur d’échouer ?

Au contraire ! Je me suis sentie portée par tous les signataires de la lettre. La grande majorité nous a encouragé·es et soutenu·es. C’était la première fois qu’un tel collectif était lancé, aussi nous ne savions pas quels résultats en attendre. Finalement, nous avons été écouté·es par Dubbing Brothers et notre collectif a remporté les avancées les plus importantes, avec une revalorisation des tarifs et la rémunération des vérifications. Cela a incité ceux et celles qui avaient initialement hésité, à soutenir les autres collectifs qui se sont successivement créés.

Il faut dire que cette mobilisation est arrivée au bon moment : les laboratoires nous appelaient toutes les semaines pour de nouveaux projets, au point de devoir en refuser régulièrement. Dans ces conditions, il devenait plus embarrassant pour le studio de ne rien céder. Surtout que les tarifs n'avaient pas évolué depuis plus de 20 ans. Malheureusement, nos collègues du sous-titrage n’ont pas obtenu les mêmes revalorisations. J’ai été extrêmement déçue pour toutes et tous. Il faut dire que le sous-titrage est souvent le parent pauvre de la profession. La VOST est plus facilement délocalisable. Tandis qu’en doublage, si le texte se révèle de piètre qualité en studio, cela provoque des conséquences en cascade sur le DA et les comédien·nes. Ce serait inacceptable. Aujourd’hui, vu la morosité ambiante, il n’est plus question de parler de rémunération…

Crédit photo : Brett Walsh